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Le monde qui bouge

Le gouvernement américain approuve la vente d'armements guidés de haute précision à Israël

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L'administration Biden a approuvé un contrat pour l'armée israélienne, transmis au Parlement à Washington en plein conflit militaire entre Israël et les Palestiniens.

Le monde qui bouge, c'est le rendez-vous international de Good Morning Business, tous les matins, sur BFM Business. Benaouda Abdeddaïm décrypte les principaux enjeux économiques liés à l’actualité géopolitique. Il tient également une chronique sur BFMBusiness.com.

Alors que les tensions sont toujours vives entre Israéliens et Palestiniens, c'est un contrat qui ne passe pas inaperçu. L'administration Biden vient d'approuver un contrat pour l'armée israélienne, transmis au Parlement à Washington. Il comprendrait en grande partie des bombes dites "intelligentes", de celles à guidage par GPS que fabrique Boeing, les "Joint direct attack munition", que les Etats-Unis ont commencé à employer lors de la guerre du Kosovo en 1999.

Les armes en question seraient transformables à cet effet pour l’armée israélienne. Montant du contrat approuvé par l’exécutif américain, officiellement le 5 mai: 735 millions de dollars. Israël, qui par le passé a déjà acquis auprès des Etats-Unis d'importantes quantités de ce type de missiles, soutient que ses bombardements aériens peuvent être, de la sorte, menés avec précision.

Le gouvernement de Joe Biden n’a notifié son approbation de la commande au Congrès que le week-end dernier. Des parlementaires ont, semble-t-il, été pris au dépourvu, regrettant un défaut manifeste de transparence de la part de l’exécutif. À la Chambre des représentants, le président démocrate de la commission des Affaires étrangères, Gregory Meeks, a convoqué hier une réunion d’urgence afin d’envisager un ajournement de l’aval à ce contrat.

"Un nouveau carnage"

En vertu de la législation, le Parlement américain dispose de vingt jours pour adopter une résolution qui puisse s’opposer à la vente.

D’après un membre de cette commission cité par le 'Washington Post", "permettre qu’elle se réalise, sans faire pression sur Israël pour qu’il accepte un cessez-le-feu, ne fera que rendre possible un nouveau carnage".

Le raisonnement est donc d’utiliser la menace d’un refus de livraison, pour tenter de se faire entendre du gouvernement intérimaire de Benjamin Netanyahou. Le 9 mai, sans ménagement, à en croire ce qui a été rapporté par le site Axios, le principal conseiller stratégique du premier ministre israélien, Meir Ben Shabbat, a réclamé de son homologue à la Maison-Blanche, Jake Sullivan, que l’administration américaine se tienne à l’écart.

Si l’on suit le calendrier institutionnel autour de la commande, le constat à tout le moins est que l’exécutif à Washington n’en tient aucunement rigueur aux Israéliens. Jusqu’ici, la Maison-Blanche et le ministère des Affaires étrangères ont veillé à ce que la crise en cours ne fasse jamais l’objet d’un texte au Conseil de sécurité des Nations unies. Ces derniers jours, la représentation américaine a bloqué à trois reprises, au moins, les propositions de déclaration commune en faveur d’un cessez-le-feu, négociée conjointement par la Norvège, la Tunisie et la Chine. Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, assure, lui, que son pays "ne fait pas obstacle à la diplomatie, au contraire".

Pour la première fois cette nuit, lors d’une conversation téléphonique avec le premier ministre Netanyahou, le président Biden a exprimé son soutien à un cessez-le-feu entre Israéliens et le Hamas palestinien. Même si dans les comptes-rendus, il n’est pas encore fait état d’un délai à cela, encore moins d’une éventuelle révision de la commande d’armements avalisée le 5 mai. Mais il est, par ailleurs, relevé que le dernier refus américain d’examiner le texte au Conseil de sécurité n’a été officialisé que cinq minutes avant l’heure limite, ce qui serait perçu par les responsables israéliens comme un début d’évolution dans la position de l’administration démocrate.

"Profondément troublé"

La Maison-Blanche aura vu que dans les rangs démocrates au Congrès les contestations prennent une ampleur tout à fait inhabituelle, bien au-delà de l’aile gauche du parti qui considère que l'appui inconditionnel au gouvernement israélien, diplomatique, financier et militaire, n’a que trop duré. Plus de la moitié des sénateurs de la majorité ont cosigné une lettre appelant à un cessez-le-feu immédiat, afin "d’éviter toute nouvelle perte de vie civile", de part et d’autre. Y compris le plus ardent partisan de la politique israélienne, le président démocrate de la Commission des affaires étrangères du Sénat, Robert Menendez, s’est déclaré "profondément troublé par les actions militaires d’Israël qui ont entraîné la mort de civils innocents à Gaza". Propos sans précédent de sa part.

Toutefois, l'évolution du ton au sein du camp démocrate ne signifie encore en rien une remise en cause de la politique des Etats-Unis pour ce qui concerne les flux de contrats d'équipements et l’engagement financier d’une aide militaire annuelle de 3,8 milliards de dollars, revalorisée pour dix ans au plus haut niveau du temps de la présidence de Barack Obama. La doctrine américaine dite de "l’avantage militaire qualitatif" en faveur d’Israël au Moyen-Orient demeure celle en vigueur depuis une autre présidence démocrate, celle de Lyndon Johnson dans les années 1960. Elle a été inscrite dans la loi américaine en 2018, visant à préserver cette supériorité armée israélienne exclusive.

Le mois dernier, c’est le sénateur Menendez qui se montrait ainsi "préoccupé par les implications" de la vente à venir aux Émirats arabes unis de l’avion de combat américain le plus sophistiqué, le F-35 de Lockheed Martin. Il juge que ce sont les "paramètres juridiques" de l’avantage militaire qualitatif d’Israël qui pourraient en être altérés. Ce principe sera immanquablement invoqué pour qu’aboutisse la dernière commande en date de bombes "intelligentes".

Benaouda Abdeddaïm Editorialiste international