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Chute en Chine des contrats à terme sur le charbon: le planificateur national refait la loi

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L’Etat chinois a repris la main afin d'inverser une tendance de marché extrêmement défavorable dans le charbon. Et au-delà, dans les matières premières.

Pékin fait savoir qu'il remet de l'ordre et c'est comme un soulagement général qui commence à s'exprimer. Les contrats à terme négociés sur le charbon sont tombés à leur plus bas niveau en Chine depuis septembre, avec des limites quotidiennes de négociation de 10% à la baisse qui sont touchées. Cette nuit, sur le contrat "futur" le plus échangé, celui du Zhengzhou Commodity Exchange, on constate encore un recul de 13 % cumulé sur deux jours. Si l’on prend les prix par rapport au point culminant atteint en début de semaine dernière, la diminution ressort pratiquement de moitié.

Le média économique privé Caixin explique qu’il y a là d’abord l’effet d’une modification des exigences de marges de négociation, et puis d’un relèvement des frais d’opération. Mais s'installe aussi l’idée que c’est l’Etat qui a repris la main. Le NDRC, l’organe national de planification, a rencontré hier les plus grands producteurs de charbon, afin d'aller vers un plafonnement des cours, d'une façon ou d'une autre. Dans son communiqué, il est question essentiellement d’un mécanisme de tarification autour d’un indice de référence.

A pleine capacité

Le spécialiste d’une banque chinoise assure à un quotidien étatique que "la situation tendue du pays en matière énergétique va progressivement s'atténuer grâce aux mesures efficaces du gouvernement, afin de stabiliser à la fois les approvisionnements et les prix".

D’après l'analyste Zhou Maohua, les cours actuels élevés reviendront même "plus tôt que prévu" à "des niveaux normaux". Le NDRC a, auparavant, exhorté les mines à fonctionner de nouveau à pleine capacité au 4ème trimestre, afin de disposer d'une production journalière nationale d’au moins 12 millions de tonnes, ce qui a déjà pour résultat de faire remonter les stocks des centrales électriques.

Un autre journal gouvernemental donne le cadre en arrière-plan: "répression" d’une "spéculation malveillante" et de la "thésaurisation". Les inspections se multiplient. Il est rapporté qu'un grand nombre de sites de stockage de charbon non autorisés ont récemment été découverts dans les trois grandes provinces productrices du Nord. La crainte qu’inspire l’Etat conduit les intervenants sur les marchés à se débarrasser de leurs contrats à terme.

Toutefois, l'expert australien Clive Russell, pour l'agence Thomson Reuters, considère qu'il va quand même falloir une nette amplification du mouvement avant de pouvoir réellement proclamer un retour à à la normale, tant les prix au comptant, comprendre lors des échanges physiques, demeurent extrêmement chers.

Pénurie de magnésium

Pourtant, l'inversement de tendance ne se voit pas uniquement dans le charbon. Une autre inquiétude s'était imposée ces derniers temps, à l'échelle mondiale, autour du magnésium, un matériau provenant à 87% de Chine, indispensable dans la fabrication de l'aluminium. Une pénurie brutale est apparue en raison de diverses suspensions de l’extraction, en lien avec la crise énergétique et les impératifs de transition écologique assignés par Pékin aux autorités locales. Réaction implacable, une envolée des cours cette année, pour dépasser dernièrement le seuil des 10.000 dollars la tonne, alors que des années durant, la tonne ne s’est traitée qu'entre 2000 et 3500 dollars.

Le 22 octobre, l’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA), aux côtés d’autres fédérations d’industrielles, en est arrivée à lancer une mise en garde à l’Union européenne contre un "risque imminent d’arrêts de production à l’échelle européenne". Cependant, à en croire le fournisseur d’informations sur les métaux Shanghai Metal Markets (SMM), le magnésium reprend et les capacités utilisées tournent maintenant autour de 70-80%. Les prix sur le marché redescendent dès lors à 7000 dollars, c’est encore le double de la fourchette haute de long terme, mais le sentiment d’urgence est susceptible de retomber.

Déséquilbre vers le diesel

Lorsque l’on prend une à une les lignes de cours de ce type de matières premières négociées sur les places chinoises, il se dessine bien toute une baisse pilotée par la puissance publique. Dans une note mise en ligne hier, le SMM écrit ainsi que "les métaux ferreux entraînent dans leur chute les non ferreux et les produits industriels" [dérivés], "à mesure que le gouvernement régule les prix du charbon".

Ces interventions extrêmement appuyées de l'Etat conduisent les déséquilibres à se déplacer. Des entreprises industrielles ont délaissé le charbon pour basculer vers le diesel afin d’obtenir leur électricité, ce qui conduit actuellement à créer des problèmes d’approvisionnement en carburant. Conséquence que rapporte un quotidien financier de Shenzhen, de nombreuses stations-service ont commencé à rationner la vente par client dans l’espoir de limiter leurs pertes, parce que les prix de détail, plafonnés par le gouvernement, sont désormais inférieurs à ceux de gros.

Un dirigeant de l'Association chinoise des transports routiers prévient alors que si une véritable pénurie de diesel vient à s'installer, elle aura un "énorme impact" sur la logistique du pays, donc son économie. Et Zhou Kewen d'ajouter: "Le gouvernement devra prendre des mesures". Une fois encore dans une crise énergétique qui s'est enracinée.

Benaouda Abdeddaïm Editorialiste international