A la Maison-Blanche, on accuse l'Union Européenne d'une politique technologique anti-américaine

Le 9 juin, la délégation de l’Union européenne aux Etats-Unis a reçu une note de mise en garde du NSC, le Conseil américain de sécurité nationale, document qui s’est retrouvé dans le Financial Times. Et le ton s’avère très éloigné du climat de concorde présenté au sommet euro-américain de Bruxelles du 15 juin, le premier du Président Joe Biden.
Cet organe de la Maison-Blanche se déclare "particulièrement" préoccupé par les récents propos d’Andreas Schwab, le rapporteur au Parlement européen du Digital Markets Act, la future législation des 27 sur les marchés numériques, qui suggère que le texte devrait spécifiquement cibler les cinq plus grandes entreprises américaines du secteur.
Le NSC juge encore que "de tels commentaires et approches rendent la coopération réglementaire entre les États-Unis et l'Europe extrêmement difficile et envoient le message que la Commission européenne n'est pas intéressée par un engagement de bonne foi avec les États-Unis".
L’Uinon Européenne est par ailleurs accusée de donner dans un protectionnisme qui pourrait "désavantager les citoyens" du bloc européen et "freiner l’innovation" dans ses économies. Dans ces conditions, selon le NSC, c’est la capacité à "travailler ensemble" à une harmonisation des réglementations qui va être entravée.
"Malavisée"
Le même jour de l’envoi de cette note, le comité au commerce numérique de la Chambre des représentants a adressé une lettre au président Biden pour déplorer une "campagne" de l’UE ciblant de façon "malavisée" les entreprises américaines. La Maison-Blanche est instamment priée de traiter le problème avec Bruxelles afin d’établir des "normes mondiales" afin de protéger les consommateurs. Le co-président républicain de ce comité parlementaire, Darin LaHood, a ensuite jugé que c’est la compétitivité des Etats-Unis qui est ainsi "minée".
Fin mai, le rapporteur de cette législation des 27 qu’accablent les Etats-Unis a affirmé que Google, Amazon, Apple, Facebook et Microsoft représentaient "les plus gros problèmes" au regard de la politique européenne de concurrence. Pour cet eurodéputé démocrate-chrétien allemand, la régulation des plateformes qui verrouillent les marchés numériques doit se centrer sur les acteurs les plus imposants, ceux caractérisés dans le projet comme "contrôleurs d’accès", en l’occurrence tous américains. Dans cette optique, rajouter à cette définition des sociétés européennes ou asiatiques ne constituerait qu'un artifice diplomatique destiné à complaire à la Maison-Blanche.
"La force d'imagination"
Joint par BFM Business, Andreas Schwab rapporte un échange, ce mardi, avec le comité au commerce numérique de la Chambre des représentants, qualifié somme toute de "bon contact". Le parlementaire européen se déclare "un peu surpris" par cette note du NSC et réfute toute idée de campagne européenne.
"On ne peut pas parler d’anti-américanisme, de protectionnisme. La force d’imagination se veut parfois supérieure aux faits", précise Andreas Schwab.
Il réaffirme même une volonté européenne de composer, en relevant de 65 milliards à 100 milliards d’euros, le seuil de capitalisation boursière à partir duquel une entreprise serait considérée comme entrant dans le champ d’application du texte. Néanmoins, Andreas Schwab comme les responsables du dossier à la Commission européenne semblent toujours déterminés à faire la transparence sur le modèle commercial de ces plateformes.
Le NSC assure, de son côté, que sa note relevait de la simple routine du dialogue avec la représentation diplomatique européenne, ne présageant en rien de la position officielle de l’administration Biden en tant que telle. Lors du sommet euro-américain, un conseil UE-Etats-Unis de "haut niveau" a été établi, chargé des questions de commerce et de technologie. Une série de missions lui est assignée, dont celle de "rechercher un terrain d’entente" en cette matière du numérique. Mais, peut-on aussi lire dans le communiqué commun publié à l’issue de la rencontre, "sans préjuger de l’autonomie réglementaire" des Américains et des Européens. Chacun est censé rester maître chez soi.