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"Une nouvelle aristocratie": la richesse des milliardaires a augmenté de 2.000 milliards de dollars en 2024, selon Oxfam

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Il s'agit de la deuxième plus forte augmentation annuelle de la richesse des milliardaires, estime l'association dans un rapport publié au moment de l'ouverture du Forum économique mondial de Davos.

Le Forum économique mondial (FEM) de Davos ouvre ses portes ce lundi 20 janvier au coeur des Alpes suisses. 3.000 dirigeants de 130 pays sont attendus dont 60 chefs d'État.

Comme lors de chaque édition de ce rendez-vous, l'association Oxfam publie sa traditionnelle étude sur les ultra-riches. Et encore fois, le patrimoine de ces milliardaires a grossi à un rythme jamais vu selon elle.

"La richesse des milliardaires a augmenté de 2.000 milliards de dollars en 2024, soit trois fois plus vite qu’en 2023, ou 5,7 milliards de dollars par jour", peut-on lire.

Et de détailler: "en 2024, le nombre de milliardaires est passé à 2.769, contre 2.565 en 2023. Leur richesse combinée est passée de 13.000 milliards de dollars à 15.000 milliards de dollars en seulement 12 mois. La fortune des dix hommes les plus riches du monde a augmenté en moyenne de près de 100 millions de dollars par jour".

Toujours autant de pauvres

"Nous voyons se former à une vitesse grand V une nouvelle aristocratie mondiale. Aujourd’hui, si les dix personnes les plus riches du monde perdaient 99% de leur fortune du jour au lendemain, elles demeureraient milliardaires", affirme Layla Abdelké Yakoub, responsable de plaidoyer Justice fiscale et inégalités à Oxfam France.

"Si la tendance actuelle se poursuit, le monde comptera non pas un, mais au moins cinq super-milliardaires dans dix ans. Cette concentration croissante de la richesse s'accompagne d'une concentration monopolistique du pouvoir, les milliardaires exerçant une influence croissante sur les industries et l'opinion publique", poursuit Oxfam.

"Pendant ce temps, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté n'a pratiquement pas changé depuis 1990, selon les données de la Banque mondiale", regrette l'association.

Attaque contre Vincent Bolloré

Oxfam s'est également penchée sur la France, avançant que depuis 2019, la fortune des milliardaires français a augmenté de plus de 24 milliards d’euros au total, soit 13 millions d’euros par jour. Mais cette fortune cumulée "n'a pas augmenté en 2024", précise le rapport.

"Une personne parmi les 1% les plus riches gagne en six jours ce qu'une personne parmi les 50% les plus pauvres gagne en un an. Les 1% des Français les plus riches ont ponctionné près de 20 milliards d’euros au pays du Sud en 2023, soit près de 2,3 millions d’euros par heure, par l'intermédiaire d’un système financier largement plus favorable aux pays riches du Nord", peut-on lire.

"Le nouveau ministre de l’économie Eric Lombard s'est dit favorable à ce que chacun paie sa part juste d’impôt. Pour y parvenir, il va falloir donc joindre la parole aux actes et oser s’attaquer sérieusement à la taxation des plus hauts patrimoines et des super-héritages dès le budget pour 2025. Oxfam rappelle que dans les 30 prochaines années, 25 milliardaires français transmettront à leurs héritiers plus de 460 milliards d’euros de super-héritages sur lesquels l’État risque de perdre 160 milliards en raison des niches fiscales existantes si rien n’est fait", ajoute Layla Abdelké Yakoub.

Pour Oxfam, le poids des milliardaires constitue un danger démocratique. "Nous souhaitons tirer la sonnette d’alarme et dénoncer les connivences entre le pouvoir économique des milliardaires et le pouvoir politique qui menacent nos démocraties. D’autant plus que les mêmes logiques sont à l’œuvre en France avec un milliardaire comme Vincent Bolloré qui met sa fortune personnelle au service d’un agenda politique d’extrême droite", commente Layla Abdelké Yakoub.

"La fortune de Vincent Bolloré, issue en partie d’entreprises coloniales en Afrique, sert pourtant désormais à financer un empire médiatique tentaculaire au service de l’extrême droite. Aujourd’hui, rien n’empêche un milliardaire comme lui d’acheter du pouvoir et de l’influence, au risque de mettre à mal notre démocratie", poursuit-elle.

Outre ces "connivences", l'association dénonce également le fait que la richesse des milliardaires "est en grande partie imméritée".

Une richesse "imméritée"

"Aujourd’hui, 60% de la richesse des milliardaires provient au départ d'un héritage (36%), de situations de monopole ou de relations de connivence. La richesse non méritée et le colonialisme; considéré non seulement comme une histoire d'extraction brutale de richesses, mais aussi comme une force puissante à l'origine des niveaux extrêmes d'inégalité d'aujourd'hui, sont les deux principaux moteurs de l'accumulation de richesses par les milliardaires", peut-on lire.

"Nous sommes sur le point d'assister à la plus grande transmission de la plus grande richesse générationnelle de l'histoire de l'humanité, à peine gagnée, à peine taxée. Il faut agir urgemment pour que ces richesses imméritées soient taxées de manière juste, sans quoi elles ne feront qu’accroitre les inégalités dans un futur très proche", poursuit Layla Abdelké Yakoub.

Face à ce qu'elle qualifie d'injustice, Oxfam émet quelques propositions "pour réduire les inégalités et mettre un terme à l’extrême richesse".

"Les gouvernements doivent s’engager à ce qu’à l’échelle internationale comme au sein des pays, les revenus des 10% les plus riches n’excèdent pas ceux des 40% les plus pauvres. D’après les données de la Banque mondiale, si nous réduisions les inégalités, nous pourrions mettre fin à la pauvreté trois fois plus vite", peut-on lire.

Plus taxer les héritages

Oxfam plaide également pour l'application de droits de succession élevés. "D’après l’étude d’Oxfam, la moitié des milliardaires du monde vivent dans des pays qui n’appliquent pas de droits de succession sur l’argent et le patrimoine que recevront leurs enfants à leur décès. Il faut taxer les héritages pour démanteler la nouvelle aristocratie". 

Enfin, "il est urgent d’annuler les dettes des pays du Sud et de mettre un terme à la domination des pays riches et des multinationales sur les marchés financiers et les règles commerciales. Cela passe notamment par le démantèlement des monopoles, la démocratisation du commerce et l’assouplissement des règles sur les brevets, et la régulation des entreprises pour veiller à ce qu’elles paient un salaire décent à leur personnel et plafonnent les rémunérations des PDG".

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business