Retraite: où sont les 200 milliards de réserves globales des différents régimes?
Malgré un système basé sur la répartition, l’ensemble de nos régimes de retraites ont accumulé des réserves qui ont atteint 206 milliards d’euros fin 2021.
“De nombreux régimes de retraite, principalement les régimes complémentaires, constituent des réserves afin de couvrir leurs besoins de trésorerie à court terme ou de financer leurs engagements à moyen et long termes,” explique le COR (Conseil d’orientation des retraites) dans son dernier rapport annuel qui date de septembre 2022.
Si la somme totale est importante, elle est à relativiser quand on la compare aux 345 milliards d'euros que pesaient les dépenses de retraite brutes (avant prélèvements sociaux) en 2021. Ces 345 milliards prennent à la fois en compte les pensions de base versées comme les complémentaires ou les autres versements (comme la pension de réversion).
Par ailleurs, derrière ses 206 milliards se cachent de fortes disparités entre régimes: certains ont été beaucoup plus précautionneux que d’autres.
La caisse complémentaire du privé détient 40% des réserves globales
L’Agirc-Arrco, la caisse de retraite complémentaire destinée aux salariés du privé, se place en tête des régimes qui ont accumulé le plus de fonds au fil des ans. Elle possède 86,5 milliards en réserve, soit environ 40% de la somme globale accumulée fin 2021, et aucune dette. A cette même période, plus de 13 millions de retraités profitaient de la complémentaire obligatoire qui vient compléter le régime de base.
Ces fonds sont nécessaires pour faire face aux aléas "économiques et démographiques," selon l’Agirc-Arrco.
"Le régime Agirc-Arrco a fixé comme règle de ne jamais s’endetter. Il a fait le choix de constituer des réserves lorsque les cotisations encaissées étaient supérieures aux versements des retraites,” expliquait l’organisme paritaire en 2020.
Plus globalement, les caisses des régimes complémentaires concentrent la grande majorité des réserves financières totales: 161 milliards sur les 206, d’après le COR.
Ainsi, la CNAVPL (Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales) complémentaire, qui vient aussi s'ajouter aux pensions de base mais pour les professions libérales, ne manque pas non plus de ressources avec plus de 33 milliards d'euros accumulés. La somme est certes moins impressionnante que l’Agirc-Arcco mais, assurant un nombre beaucoup plus restreint de retraités, ses fonds fin 2021 suffiraient à financer leurs prestations pour les 9 ans à venir. Les réserves de l’Agirc-Arrco quant à elles lui permettraient de payer ses nombreux retraités pendant un peu plus d’un an.
En troisième position en termes d’importance de ses actifs se place un organisme peu connu aux fonctions un peu particulières: le Fonds de réserve des retraites. Le FRR, créé en 1999 en vue d'amortir le choc du papy-boom, pesait 26 milliards d’euros à la fin d'une année 2021 qui fût bonne grâce à la remontée des cours de la Bourse. A la manière d'un fonds de pension, il investit de l’argent public sur les marchés financiers pour ensuite le reverser au système de retraite.
Depuis 2011, il distribue 2,1 milliards d’euros chaque année à la CADES (Caisse d'amortissement de la dette sociale). Cette dernière a pour but d'aider à liquider la dette sociale, c'est-à-dire la dette liée aux déficits passés des différentes branches de la sécurité sociale, dont celle de la retraite. La mission du FRR est donc de rembourser une partie du passif des régimes de retraite qui eux manquent d'argent.
Les régimes qui sont à sec
“Certains régimes ne disposent d’aucune réserve financière. C’est le cas de la CNAV dont les besoins de financement (et ceux du FSV) ont été repris par la CADES en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011,” explique le COR dans son rapport.
Beaucoup d’acronymes pour dire qu'il y a des régimes qui, régulièrement, ne disposent pas d'assez d’argent pour financer leurs retraités.
La Caisse nationale d’assurance vieillesse, ou la CNAV, est le régime de base qui gère les retraites des salariés du privé. Fin 2021, elle assurait la retraite de presque 15 millions de français et enregistrait un déficit de plus d'un milliard d’euros.
Cette caisse n’a justement pas de réserves dans ses caisses. Et elle n'est pas la seule à souffrir d’un manque de rentrée d’argent.
Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), l’organisme qui prend en charge le financement du minimum vieillesse, n’arrive pas non plus à équilibrer ses comptes. Son déficit pesait par exemple 1,5 milliard d'euros en 2021.
Les réserves du régime de base obligatoire et du FSV, à l’instar de leurs pairs, ont souffert avec la pandémie de Covid en 2020 et la baisse des rentrées de cotisations, avant de profiter du rebond économique de 2021. Mais leur déficit est appelé à se dégrader rapidement à cause d’un contexte démographique qui leur sera de plus en plus défavorable. En effet, il y aura de moins en moins d’actifs, donc de cotisants, par rapport au nombre de retraités.
Dettes et fonds de roulement
Aussi, il faut regarder les réserves évoquées par le COR sans oublier les dettes qui restent à rembourser pour l'ensemble des régimes. Cumulées au fil des ans, les dettes passées de la branche retraite de la sécurité sociale pèsent déjà lourd. “En tout, la part imputable à la branche retraite de la dette restant à rembourser par la Cades est estimée à 43 milliards d’euros,” explique le COR dans son rapport. Si l’on déduit ces 43 milliards, les réserves financières globales "nettes" des systèmes de retraite ne représentent plus 206 milliards d’euros mais seulement 163 milliards d'euros. Il s'agit toutefois ici d'un calcul théorique car les réserves de l’Agirc-Arrco par exemple n'ont pas vocation à financer les dettes du régime général de base ou celles des régimes spéciaux.
Autre élément important à noter: les montants indiqués dans le rapport du COR incluent à la fois les réserves de moyen et long termes et les fonds de roulement. Ces derniers correspondent à la trésorerie dans laquelle un organisme de retraite peut immédiatement piocher pour financer ses activités courantes.
Si on met ce fonds de roulement de côté, l’Agirc-Arrco n’affiche par exemple plus 86,5 milliards d'euros de réserves mais seulement 68 milliards d'euros. L'organisme paritaire a d’ailleurs précisé à BFM Business que ses réserves, hors fonds de roulement, devraient toujours se situer en dessous 70 milliards à fin 2022.