"On est le site de la dernière chance": vous avez peut-être un livret bancaire oublié ou une assurance vie ignorée qui vous attend à la Caisse des dépôts

"On est le site de la dernière chance", résume Marie Dolard-Cléret, directrice du département Consignations et dépôts spécialisés de la Caisse des dépôts (CDC), qui permet à chacun de vérifier s'il n'est pas le bénéficiaire d'un pécule oublié.
Ancien compte bancaire perdu de vue, livret d'épargne d'enfance oublié ou assurance vie d'un proche décédé dont on ignore être le bénéficiaire... Loin de se volatiliser, ces fonds délaissés finissent par être transférés à ce sevice de la Caisse des dépôts. Rien qu'en 2024, il a permis à près de 94.000 personnes de récupérer 1.573 euros en moyenne.
"En une poignée de minutes, j'ai su qu'il y avait quelque chose à mon nom", témoigne auprès de l'AFP David, qui avait relayé son expérience sur le réseau X. Son compte, où il publie les discussions dans lesquelles il fait tourner en bourrique les escrocs en ligne pour leur faire perdre du temps, est suivi par plus de 106.000 abonnés.
"Finalement, je n'ai reçu que quatre centimes deux mois plus tard mais ensuite un de mes abonnés a raconté qu'il avait récupéré quelques milliers d'euros", explique-t-il.
Le site a été lancé en janvier 2017, un an après l'entrée en vigueur d'une loi de 2014 imposant aux établissements financiers de recenser chaque année les comptes bancaires inactifs (aucune opération ou manifestation du titulaire pendant un an) et les contrats d'assurance vie "en déshérence" (c'est-à-dire n'ayant pas été réclamés alors qu'ils sont arrivés à échéance) et de vérifier si leurs clients sont toujours vivants.
En pratique, les banques doivent régulièrement écrire au titulaire d'un compte inactif pour l'inviter à se manifester et éviter la clôture de son compte. Les organismes d'épargne salariale sont également soumis à ce devoir d'information.
Déjà un milliard d'euros restitués
Les assureurs sont quant à eux tenus de rechercher les bénéficiaires des contrats en déshérence.
"Si j'ai un conseil à donner, c'est de préciser nom, prénom, date de naissance, lieu de naissance, numéro de portable et adresse mail" quand on désigne le bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie, déclare à l'AFP Antoine Djikpa, généalogiste et président de l'étude parisienne ADD Associés, qui travaille notamment avec des établissements financiers recherchant les héritiers de fonds oubliés.
Sans réponse dans les délais -généralement 10 ans mais cela varie en fonction du produit financier concerné ou selon que son titulaire est vivant ou décédé- les sommes oubliées sont transférées à la CDC, qui les conserve et les restitue sur demande.
"En principe, au bout de 10 ans d'inactivité, les fonds arrivent à la CDC et on les conserve 20 ans. Au bout de ces 30 ans, si personne ne les a réclamés, ils sont reversés à l'État", résume Philippe Martinie, responsable du service de restitution des avoirs en déshérence de la CDC.
Depuis la mise en place du dispositif en 2016, la CDC a reçu plus de neuf milliards d'euros. "Le cap du milliard d'euros restitués aux bénéficiaires a été franchi fin janvier 2025", souligne Marie Dolard-Cléret et "un peu plus de 550 millions d'euros" ont été reversés à l'État, précise Philippe Martinie.
"De très petites sommes"
Les comptes bancaires inactifs représentent plus de 85% des produits financiers transférés à la CDC mais nombre d'entre eux n'abritent que "de très petites sommes", selon Philippe Martinie. "On restitue souvent de très petits montants" avec "des versements de 50 centimes, voire moins", explique-t-il.
Pour Antoine Djikpa, "ça serait plutôt vertueux" que le cumul de toutes ces petites sommes qui ne manqueront probablement à personne profite plutôt "à l'État et donc à la communauté de citoyens". Face à au déficit public, le gouvernement est en effet en quête d'économies substantielles: pas moins de 43,8 milliards d'euros dès 2026.
"Je ne parle pas du tout en tant que généalogiste ou chef d'entreprise, mais en tant que citoyen, ça ne me poserait strictement aucun problème que l'État devienne automatiquement détenteur de toutes les sommes inférieures à 40 ou 50 euros, par exemple."