ÉDITO. Au secours, l’ISF revient… en pire!

La commission des finances a adopté mercredi une proposition de loi des écologistes pour instaurer un impôt plancher de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros, y compris sur l’outil professionnel. Un texte dangereux.

L’article unique de la proposition de loi portée par Eva Sas et Clémentine Autain vise à créer un impôt planché sur la fortune (IPF) pour les contribuables dont la valeur nette du patrimoine excède 100 millions d’euros.

L'idée est de garantir que le total des impôts acquittés chaque année par ces riches contribuables –impôt sur le revenu, IFI, CSG, CRDS et contribution exceptionnelle sur les hauts revenus – soit au moins égal à 2% de la valeur nette de leur patrimoine. Précision importante: ce patrimoine inclut leur outil professionnel.

Le texte toucherait 1.800 foyers, selon les deux parlementaires, et rapporterait la coquette somme de 15 à 25 milliards d’euros par an.

Les riches ne paient pas d'impôt en France? Fausse idée

Il s'agit ni plus ni moins d'une déclinaison de la taxe Zucman qui est discutée actuellement au G20. Les deux parlementaires s’y réfèrent directement et appellent la France à être pionnière en la matière, aucun pays ne l’ayant appliquée. Le problème avec ce genre de textes très "pikettistes", c’est la petite musique qui irrémédiablement l'accompagne.

C'est cette fausse idée que les très riches ne paieraient pas d’impôt en France. On peut discuter du bon niveau des prélèvements, mais dire comme beaucoup de parlementaires que les riches ne payent que 2% d’impôt sur le revenu (IR), ce qu’a répété Eva Sas hier en commission, c’est mentir par omission.

Car comme une étude de l’Institut des politiques publiques de juin 2023 l’a montré -la même étude évoquée par Eva Sas pour justifier sa PPL– si les milliardaires ne payent effectivement que très peu d'impôt sur le revenu, 2%, parce qu’ils se payent en dividendes distribués par leurs holdings. Des revenus du capital soumis à l'impôt sur les sociétés, pas à l'IR.

L’Edito de Raphaël Legendre : Au secours, l'ISF est de retour ! - 13/02

4:53

Et donc, cette étude montrait très bien que l’impôt était très progressif jusqu’à des niveaux élevés de revenus. Les 1% les plus riches en France acquittent 46 % d’impôts. C'est ensuite, au sein des 0,1% des foyers fiscaux les plus riches (40.000) que le taux d’impôt devient dégressif.

Mais il ne passe pas de 46% à 2%, comme le dit Eva Sas, il passe de 46% à 26% pour les 0,0002% les plus riches (75 foyers fiscaux). Donc oui, les milliardaires payent 2% d’IR, mais reversent 26% de ce qu’ils touchent à l’État. On peut penser que ce n’est pas assez, mais on ne peut pas dire qu’ils ne payent que de 2% d’impôt.

Épouvantail fiscal

La mesure est enfin dangereuse économiquement. Jamais l'outil professionnel n'a été inclu dans l'assiette de l’ISF, comme le prévoit l'IPF. C’est le texte parfait pour faire fuir les Arnault, Pinault, ou les Peugeot. Pas sûr que cela améliore les comptes publics de la France.

Sans compter l’effet de seuil pour les entrepreneurs de plus petite taille: au-dessus de 100 millions, je taxe, en dessous, rien. De quoi réussir la performance à la fois de réfréner les ambitions et pousser les réussites à la délocalisation.

Le texte sera examiné en séance le 20 février, à l’occasion de la niche parlementaire des écologistes. Si le RN la vote, la proposition de loi sera adoptée. En commission, les élus du Rassemblement national se sont abstenus.

Raphaël Legendre