Chute de la natalité: quelles conséquences pour l'économie française?

La France s'enfonce dans la crise de la natalité. Malgré l'appel au "réarmement démographique" lancé par Emmanuel Macron il y a un an, le nombre de naissances a encore baissé en 2024. À 663.000, il a reculé de 2,2% pour atteindre le niveau le bas observé depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, selon les données de l'Insee publiées ce mardi 14 janvier.
L'indice de fécondité continue lui aussi de diminuer, à 1,62 enfant par femme, après 1,66 en 2023. "Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, cet indicateur n’a jamais été aussi bas", relève l'institut de la statistique.
Moins de richesses créées
Sur le plan économique, la confirmation de cette dynamique de "dénatalité" risque d'avoir de nombreuses conséquences. À court terme, plusieurs études estiment que cela se traduira par une baisse de certaines dépenses publiques (baisse des dépenses d'éducation en raison de la baisse du nombre d'enfants dans les écoles, baisses des prestations au titre des allocations familiales...), ce qui serait bénéfique pour les comptes de l'État déjà particulièrement dégradés.
Mais à plus long terme, le tableau risque d'être beaucoup plus sombre. Car moins de naissances, c'est moins de travailleurs et moins de consommateurs, et donc moins de croissance économique. Les travaux de la Chaire transitions démographiques, transitions économiques (TDTE) ont récemment démontré qu'en retenant l'hypothèse de l'indice de fécondité de 2023, la France perdrait 2 points de PIB à horizon 2050 par rapport à un taux de 1,8 qui correspond au scénario central de l'Insee fondé sur les tendances démographiques des années précédentes.
Et dans le cas où la France se retrouverait dans la même situation que l'Italie avec un indice de fécondité qui chuterait à 1,3 enfant par femme, l'impact serait encore plus conséquent: le PIB serait amputé de 5 points à horizon 2050 alors que le marché du travail compterait environ un million de travailleurs en moins dès 2040.
Un système de retraite "impossible à financer"
Reposant très largement sur la solidarité intergénérationnelle, la protection sociale à la française subirait les conséquences de la baisse du nombre de naissances et du vieillissement de la population. À commencer par le régime de retraite dont le déficit ne cessera de se creuser jusqu'à atteindre un niveau critique.
Selon le Conseil d'orientation des retraites, le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités devait déjà passer de 1,7 en 2021 à 1,4 en 2070 en retenant un indice de fécondité de 1,8 enfant par femme. Mais avec une baisse plus forte que prévu de la natalité, le ratio pourrait être encore plus défavorable. Dès lors, la baisse drastique de la population active, à supposer que le poids des retraites dans le PIB demeure inchangé, entraînera une baisse des pensions tant des travailleurs qualifiés que non qualifiés pour assurer l'équilibre financier du système, prédit la Chaire TDTE.
La baisse de la fécondité va donc mener "à la stagnation économique préjudiciable au bien-être et à la déstabilisation du système de retraite devenant impossible à financer", résument dans une note Jean-Hervé Lorenzi et Alain Villemeur, respectivement fondateur et directeur scientifique de la Chaire TDTE.
Le rôle des politiques familiales
Alors qu'une personne sur cinq est âgée d'au moins 65 ans en France et que l'espérance de vie se maintient à un niveau historiquement élevé, l'accélération du vieillissement de la population risque également de faire bondir les dépenses de santé. Point positif en revanche: les salaires devraient progresser. En effet, "si le nombre de travailleurs diminue, il y a moins d’offres de travail, donc la concurrence est moins forte entre les travailleurs et la productivité marginale du travail augmente: le salaire augmente", soulignent les économistes de la Chaire TDTE.
Reste à savoir si la chute de la natalité est un phénomène temporaire ou durable. Pour Jean-Hervé Lorenzi et Alain Villemeur, il s'agit bien d'un "problème structurel". "Il nous faut sortir de la croyance en un problème conjoncturel et en un retournement qui nous surprendrait heureusement", appellent-ils.
Les pouvoirs publics ont sans doute un rôle à jouer. Il y a un an, Emmanuel Macron avait annoncé plusieurs mesures visant à relancer la natalité (congé de naissance, plan contre l'infertilité). Celles-ci n'ont finalement pas vu le jour, compte tenu du contexte politique. Toujours est-il que "les politiques familiales favorisent indiscutablement les naissances (...): une hausse des dépenses en faveur des familles de 30 % en France induirait sur le long terme une hausse de la fécondité de 0,15 enfant par femme", rappelaient Jean-Hervé Lorenzi et Alain Villemeur, avant de tempérer en expliquant que cela n'a "rien de miraculeux" et qu'il ne faut donc pas "surévaluer ses effets". D'autant que certains pays, "comme le Japon et la Corée du Sud ont considérablement accru les dépenses en faveur des familles, sans réussir à inverser la tendance et sans même stopper le déclin de la natalité!".