Pass sanitaire: le conseil constitutionnel censure la rupture anticipée d'un CDD ou d'un contrat intérim

Le Conseil constitutionnel a décidé de censurer la rupture anticipée d'un CDD ou intérim en cas de non présentation d'un pass sanitaire, comme le prévoyait la loi sur le pass sanitaire. Les legislateurs avaient prévu une suspension du contrat de travail pour les CDI. Pour les Sages, il s'agit donc d'une "différence de traitement entre les salariés."
"En prévoyant que le défaut de présentation d'un « pass sanitaire » constitue une cause de rupture des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leur contrat de travail qui est sans lien avec l'objectif poursuivi" soulignent les Sages.
La suspension du contrat de travail en CDI est en revanche bien validée par le Conseil constitutionnel. Cette suspension doit être précédée, selon la loi, par plusieurs étapes préalables comme la possibilité de poser ses congés ou RTT, ou un entretien avec l'employeur pour un éventuelle réaffectation, loin du grand public.
Le ministère du Travail a salué auprès de l'AFP la validation par les Sages des mesures prévues "pour inciter les salariés à se faire vacciner et faciliter la mise en oeuvre des nouvelles obligations" pour lutter contre l'épidémie.
"Ainsi de nombreuses solutions s'offrent aux employeurs et aux salariés: autorisation d'absence pour aller se faire vacciner, entretien entre l'employeur et le salarié, utilisation de jours de congés ou de RTT, affectation temporaire sur un autre poste, recours au télétravail, suspension du contrat de travail le temps que le salarié se conforme à ses obligations", a-t-on souligné de même source.
"Le texte adopté par le Parlement prévoyait cependant une différence de traitement entre le CDD et le CDI que le Conseil Constitutionnel n'a pas jugé justifiée. La suspension pourra s'appliquer mais le CDD ne pourra pas être interrompu avant son terme", a poursuivi le ministère.
Flou sur le licenciement
En revanche, il n'apporte pas de précisions supplémentaires sur la possibilité (ou non) de licencier un salarié. Sur le plateau de BFMTV, Benoit Sevilla, avocat spécialisé en droit du travail s'étonnait de cette situation: "On généralise une insécurité tant pour les salariés en CDD qu'en CDI" explique-t-il. "J’aimerais qu’on nous explique ce qu’on va faire des salariés dont on a suspendu le contrat de travail et la rémunération, si à terme on ne peut pas rompre leur contrat de travail."
Le seul défaut de pass sanitaire "n'est pas une cause réelle et sérieuse de licenciement", mais d'autres motifs peuvent être valables, même si les employeurs ne devront licencier qu'en cas "d'extrême nécessité" et "extrêmement bien motiver la décision", a-t-elle indiqué à l'AFP.
Mais pour Christophe Noël, avocat spécialisé en droit du travail, il n'est "pas sûr du tout que le droit commun s'applique", ce qui créé "une insécurité juridique terrible".
"En principe, le droit commun autorise un employeur à licencier un salarié dont le contrat est suspendu trop longtemps ou si cela cause un trouble caractérisé dans l'entreprise", mais il n'est pas certain que l'on puisse licencier des salariés sur ces motifs, dit-il, ajoutant être convaincu que "les décisions seront disparates parce que la loi est mal foutue".