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Les Européens ont 35.000 milliards d'euros d'épargne et 20% de cette somme finance l'économie américaine: les gouvernements veulent maintenant rapatrier ces milliards

Éric Lombard, le ministre de l'Économie, à Bercy à Paris, le 14 avril 2025.

Éric Lombard, le ministre de l'Économie, à Bercy à Paris, le 14 avril 2025. - Thomas SAMSON / AFP

Entre 20 et 30% des 35.000 milliards d’euros de l'épargne européenne financerait l’économie étrangère et surtout américaine. Pour y remédier, Bercy lance un label européen de l’épargne de long terme.

Sur les 35.000 milliards d’euros d’épargne en Europe, un tiers finance les Etats Unis : c’est ce qu’a mis en avant le ministre de l’Economie, Eric Lombard, lors d’une interview à Télématin, jeudi 5 juin.

Une proportion sans doute exagérée selon les experts. Pour Philippe Crevel, le directeur du Cercle de l’Epargne, la part de l’épargne européenne investie à l’étranger représenterait plutôt 20%. Et les 80% restants sont souvent placés sur des comptes à faible rendement.

Dans tous les cas, "nous sommes sur des sommes considérables", souligne-t-il.

Cet afflux massif vers l’économie américaine s’explique car les rendements sont beaucoup plus attractifs sur les produits américains: comptes-titres, unités de compte d’assurance-vie ou les ETF par exemple.

Les épargnants européens cherchent naturellement les meilleurs rendements. Les investisseurs vont donc le chercher de l'autre côté de l'Atlantique. L'écart de valorisation entre les actions américaines et européennes n'a eu de cesse de se creuser, et en particulier depuis le Covid. Aux Etats-Unis, les cours des actions étaient fin 2024 valorisés 25 fois les bénéfices des entreprises du S&P 500 contre 14 fois pour celles de l'indice MSCI Europe.

Par ailleurs, environ 50% de l’épargne des ménages de l’UE est placée sur des dépôts bancaires ou des produits liquides et garantis, au détriment des investissements en fonds propres, notamment en actions cotées, qui sont plus risqués mais surtout nécessaires pour financer les entreprises européennes.

Comment faire en sorte que ces centaines de milliards d'euros reviennent irriguer l'économie du Vieux continent?

"Compte tenu du contexte économique et politique, les fonds européens vont désormais devenir plus attractifs", espère pour sa part Philippe Crevel.

Un label européen suffisant?

A la manière du "made in France" dans l'industrie, l'exécutif compte sur une forme de "patriotisme économique" pour encourager les placements. Bercy a dévoilé ce jeudi "le label européen de l’épargne de long terme". Il ne s’agit pas d’un nouveau produit financier, mais d’un repère pour que les épargnants flèchent significativement leur épargne vers le financement des entreprises européennes.

Les acteurs du marché pourront apposer ce label si au moins 70% des actifs sont investis dans l’Espace économique européen (EEE) et si les produits sont prioritairement investis en actions, pour contribuer au financement en fonds propres des entreprises européennes. Les produits labellisés doivent comporter une incitation à la détention de long-terme, avec, par exemple, une durée minimale d’investissement de 5 ans.

Contrôle du label par les Etats membres

Les autorités ou les agences nationales compétentes de chacun des Etats membres vérifieront le respect des critères du label. Tout usage abusif ou non-conforme pourra entraîner le retrait du droit d’utiliser le label.

Ce projet ne constitue pas une réglementation européenne, mais une initiative intergouvernementale coordonnée, ouverte à tous les États membres souhaitant y participer.

“Concernant l’épargne des Français, on ne peut qu'être sur une mesure incitative, rappelle un conseiller de Bercy. Nous avons beaucoup de défis pour des startup et des PME qui méritent des financements pour passer à l’échelle."

Elise Jollain