Les entreprises ont trouvé une faille totalement légale pour contourner les droits de douane de Trump et saper sa stratégie

Des conteneurs dans le port de San Pedro en Californie. - Justin Sullivan
C'est une règle – totalement légale – qui pourrait mettre à mal les efforts de Donald Trump pour rehausser les droits de douane. En vigueur depuis la fin des années 1980 mais relativement peu connu jusqu'ici, le mécanisme de la "règle de la première vente" (first sale rule) permet de calculer les droits de douane sur le coût le plus bas d'une marchandise.
Le média américain CNBC prend l'exemple d'un T-shirt fabriqué en Chine: vendu à un intermédiaire de Hong Kong pour 5 dollars, il est ensuite revendu à un détaillant américain pour 10 dollars, qui le mettra dans les rayons américains à 40 dollars. En vertu de la règle de la première vente, le détaillant peut payer les droits d'importation sur le prix initial de 5 dollars et non sur le prix de 10 dollars.
Sur leur site, les douanes américaines indiquent que la déclaration des importateurs porte sur le prix payé par l'acheteur "lors d'une vente antérieure à la dernière vente avant l'introduction de la marchandise aux États-Unis".
CNBC précise que ce mécanisme doit répondre à quatre critères: un premier prix de vente documenté, la preuve que l'article est destiné spécifiquement au marché américain, un minimum de deux ventes, dont un producteur étranger et au moins un intermédiaire, des conditions de "pleine concurrence", à savoir que les différentes parties doivent être indépendantes.
Le média américain avait révélé il y a quelques jours l'existence d'une ruse utilisée par les exportateurs chinois pour échapper aux droits de douane, en s'appuyant sur le règlement prévoyant que c'est au vendeur de régler les droits de douane et en sous-estimant la valeur des biens.
Contrer l'effet Trump
Selon un avocat interrogé par CNBC, "cette règle existe depuis très longtemps, mais tout le monde commence à explorer cette règle avec davantage d'intérêt à présent".
Elle permettrait en effet de fortement réduire le montant des droits de douane décidés par l'administration Trump, puisque ces montants seraient donc basés sur des coûts bien moindres que ceux payés par les importateurs.
Ce mécanisme serait particulièrement intéressant pour les secteurs du luxe ou des produits de grande valeur, pour lesquelles les marges sont souvent plus importantes.
Une aubaine pour de nombreuses entreprises qui disent déjà en profiter. C'est le cas de la marque de luxe italienne Moncler, de la société de biotechnologie suisse Kuros Biosciences ou encore l'entreprise américaine Traeger qui vend des barbecues.
Si cette règle est parfois complexe à mettre en place de nombreuses sociétés de conseil spécialisées en import-export font face à un afflux de demandes de la part d'entreprises américaines et internationales pour bénéficier de ces allègements de droits de douane.
L’utilisation de cette règle parfaitement légale pourrait néanmoins compromettre les efforts de l’administration Trump pour augmenter les recettes douanières et favoriser la relocalisation de la production, indique le média américain.
Interrogée par CNBC, la Maison-Blanche s'est refusée à tout commentaire. Quant aux douanes américaines, elles n'ont pas souhaité transmettre de données récentes sur l'utilisation de ce mécanisme par les importateurs, pour mesurer un éventuel accroissement.