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La femme de l’ancien PDG de Pernod sème la zizanie chez les Ricard

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Depuis deux ans, Corinne Ricard cherche à valoriser ses actions de l’empire de l’alcool et du vin. Avec l'aide d'Alain Minc, elle a déclenché un bras de fer avec la famille Ricard et le PDG du groupe Pernod.

Les Ricard n’ont parlé que d’elle. La soixantaine d’héritiers de Paul Ricard étaient réunis début décembre pour l’assemblée générale de leur société familiale, au domaine de La Voisine, près de Rambouillet. Habitués aux réunions calmes dans leur fief varois de l’île des Embiez, cela fait deux ans qu’ils n’ont qu’un mot à la bouche: Corinne.

Corinne Ricard a été mariée pendant plus de trente ans à l’ancien PDG de Pernod Ricard, jusqu’à son décès brutal en 2012. Patrick Ricard a marqué l’histoire du groupe de vins et spiritueux pour l’avoir internationalisé pendant les trente années de son règne au sommet de l’empire créé par son père, Paul Ricard.

Mais depuis deux ans, Corinne Ricard provoque un petit séisme au sein de sa belle-famille. Elle a envisagé de vendre ses parts dans la société familiale Paul Ricard qui détient 14% du groupe Pernod Ricard. "Elle a besoin de financer son train de vie élevé", nous explique un de ses proches qui l’a connu lorsqu’elle dirigeait la Fondation Paul Ricard et organisait de chics soirées parisiennes. Une femme mondaine souvent comparée à Bethy Lagardère, femme de Jean-Luc Lagardère, mais qui n’a pas hérité de la même fortune. Elle détient seulement 0,5% de la société Paul Ricard, soit environ 20 millions d’euros. L’essentiel des parts de Patrick Ricard (20%) avait été légué à ses quatre enfants à son décès. Le solde du capital est éparpillé entre les autres héritiers.

"Alexandre Ricard était furieux"

Mais sur la forme, Corinne Ricard a cumulé les maladresses vis-à-vis de son neveu et PDG actuel, Alexandre Ricard. Pour se faire aider, elle a sollicité les conseils d’Alain Minc. Or, le conseiller des patrons du CAC 40 n’est pas du tout apprécié chez Pernod Ricard. En 2018, il épaulait le fonds activiste Elliott lorsqu’il a déboulé dans le capital du groupe familial. Et selon nos informations, il s’est rapproché du fonds américain qui a aidé Corinne Ricard à valoriser ses parts. Contactés, Alain Minc et Elliott n’ont pas souhaité commenter.

Selon les statuts de la société familiale, les ventes d’actions doivent être validées par son conseil de surveillance, dirigé par la famille. "Une cession à Elliott aurait été impossible, note une source proche du groupe. Mais lorsqu’Alexandre Ricard a appris qu’elle avait sollicité Minc et Elliott, il était furieux". Nommé en 2015, le PDG de Pernod a subi son baptême du feu trois ans plus tard lorsque le plus grand fonds activiste du monde l’a attaqué. Au sein de Pernod Ricard, on ne veut pas en dire plus mais on reconnaît qu’"Alain Minc n’a pas laissé de bons souvenirs ici".

Alors pourquoi une telle agitation? "Solliciter Elliott pour valoriser ses parts n’a aucun sens", peste un proche du groupe qui assure qu’un cabinet d’experts indépendants réalise ce travail deux fois par an pour la famille Ricard. Dans l’entourage de Pernod, on pense plutôt que Corinne Ricard s’est faite manipuler par le fonds américain qui était prêt à rejouer les trouble-fêtes.

L'achat du jour - Pernod-Ricard - 22/01
L'achat du jour - Pernod-Ricard - 22/01
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Rapatriée de force

Son offensive maladroite a secoué sa belle-famille et l’a poussée à réagir. Il y a deux ans, les Ricard ont commencé à réorganiser leur société familiale en cinq branches, chacune représentant les enfants du fondateur: Danièle, Bernard, Béatrice, Patrick et Michèle. Puis l’an passé, ils ont renforcé la structure familiale en mettant en place une sorte de "bourse interne" au sein de la famille. Dans les statuts que BFM Business a consultés, des droits de préemption sur les actions Paul Ricard ont été mis en place entre les héritiers. Ainsi, un vendeur a l’obligation de proposer ses parts à ses enfants. Et s’ils ne souhaitent pas les racheter, elles sont alors soumises aux descendants des autres branches, afin de rester dans la famille.

Pour refermer la brèche ouverte par Corinne, les Ricard l’ont ajoutée dans les statuts de leur société en l’"assimilant aux descendants Ricard pour les besoins du droit de préemption. La femme de Patrick Ricard "détient les mêmes droits mais a aussi les mêmes obligations que les autres héritiers", admet un proche de la famille. "Corinne Ricard a été remise de force dans les rangs familiaux", décrypte un bon connaisseur de cette saga. Contactée à plusieurs reprises par l’intermédiaire de ses conseils, l’intéressée n’a pas souhaité nous répondre.

A ce jour, Corinne Ricard n’a pas vendu ses actions. Mais elle bénéficie désormais d’une valorisation officielle de ses parts, au même titre que les autres héritiers, ce dont elle ne disposait pas auparavant. Grâce à cela, "elle peut s’en servir pour emprunter de l’argent auprès d’une banque", note cette source proche de la famille. Un compromis pour son train de vie et un peu plus de sérénité chez les Ricard.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business