L'inflation au Venezuela devrait atteindre 254% en 2025: son président assure pourtant que ses habitants jouissent d'"un grand pouvoir d'achat"

Le bolivar, la monnaie vénézuélienne, a perdu 71% de sa valeur par rapport au dollar depuis le 2 janvier, affectant la vie de millions de familles qui tentent de survivre à l'inflation la plus élevée du monde en 2025, alors que le pays sud-américain traverse une forte crise diplomatique avec les États-Unis. Cette brutale dévalorisation du bolivar, tant sur le marché officiel que sur le parallèle, asphyxie une économie dollarisée qui dépend des exportations de pétrole et des importations.
Les États-Unis ont déployé des navires de guerre dans les Caraïbes, officiellement pour une opération antidrogue, accusant le président Nicolas Maduro de diriger un cartel. Celui-ci, qui se dit prêt à décréter l'état d'urgence en cas "d'agression" américaine, nie les accusations et estime que Donald Trump cherche un "changement de régime" pour mettre la main sur les plus grandes réserves de pétrole de la planète.
Loin des problèmes macroéconomiques et du bras-de-fer diplomatique entre Washington et Caracas, Yubiris Reyes Velasquez, ancienne professeure dont la pension équivaut à 120 dollars mensuels, payés en bolivars, souffre.
"Nous avons officiellement le bolivar, mais les prix sont en dollars... et ils augmentent quotidiennement. Il est impossible de couvrir les besoins fondamentaux", explique la retraitée qui vend des pâtisseries pour joindre les deux bouts.
Embargo sur le pétrole
Selon le Fonds monétaire international (FMI), l'inflation, qui avait été contenue jusqu'en 2024, pourrait atteindre 254% à fin 2025. Malgré les indicateurs économiques internationaux, Nicolas Maduro affirme toutefois qu'il y a "un grand pouvoir d'achat" et que "l'économie réelle croît à un rythme de 9% cette année". Selon un discours rodé, il attribue les difficultés économiques à la "guerre multiforme: économique, commerciale, monétaire, financière" menée par les États-Unis.
"Le dollar continue de grimper. Il est à 170 [bolivars]... Vous allez à l'hôpital et vous devez apporter jusqu'aux gants aux médecins", estime Freddy Molina, ouvrier de 47 ans.
Aujourd'hui, la pression de Trump ne vient pas que de la mer, mais aussi des sanctions économiques imposées pour tenter d'évincer Nicolas Maduro du pouvoir après des accusations de fraude électorale et de violations des droits humains. Avec l'embargo pétrolier, les entreprises étrangères ont besoin de licences accordées par Washington pour travailler dans le secteur. Une seule a été accordée, à l'Américain Chevron.
Le pays voudrait augmenter ses exportations et obtenir davantage de devises, mais l'embargo l'empêche d'en récolter sur le marché légal, alors que le manque de recettes et l'impossibilité de capter des investissements aggravent la situation, réduisant la manne de dollars dans le système.
Pourtant, le pétrole maintient encore l'économie à flot. "Les revenus pétroliers nationaux provenant des exportations ont augmenté en août. Le volume de production et d'exportations se maintient à des niveaux qui n'ont pas été vus depuis 2019", déclare à l'AFP l'économiste Daniel Barraez, coordinateur d'un rapport du PNUD de l'ONU, qui prévoit une "robuste" croissance économique de 5,3% en 2025. Selon l'Opep, le Venezuela a produit 936.000 barils par jour (bpj) en août, contre 867.000 bpj en décembre 2024, malgré les sanctions.
Du "papier de Monopoly"
Le dollar parallèle ou au noir régule presque toutes les transactions. La devise est désormais évaluée à environ 300 bolivars, 73% de plus que les 176 dollars du taux officiel fin septembre. Cet écart de change est le deuxième problème majeur des entreprises, derrière les taxes élevées, selon l'association industrielle Conindustria. Dans les magasins, les prix finaux en bolivars sont calculés au dollar parallèle, puis affichés au taux officiel, nourrissant encore plus l'inflation.
"Les gens essaient de se protéger avec des dollars parce qu'ils savent que les bolivars ne sont que du papier de Monopoly et que demain ils n'auront aucune valeur", résume l'économiste José Manuel Puente, professeur de l'université IE en Espagne.
Ce qui fait encore monter le dollar au noir. Le gouvernement nie l'existence de ce marché parallèle. Il a même emprisonné des personnes pour avoir diffusé ou appliqué "le taux criminel". Cependant, dans des applications autorisées par le propre gouvernement, comme Kontigo et Crixto, qui fonctionnent avec des "monnaies stables" et des cryptomonnaies, le taux au noir est affiché et avoisine les 300, ont constaté des journalistes de l'AFP. José Manuel Puente prédit que l'écart des taux de change "se maintiendra dans les prochains mois", appauvrissant davantage les Vénézuéliens.