Pourquoi l'accord sur la fiscalité internationale est-il un "accord historique"?

"On a un accord historique, cela arrive une fois par siècle". Sur BFM Business, le directeur des affaires fiscales de l'OCDE Pascal Saint-Amans ne cachait pas sa satisfaction après l'officialisation de l'accord mondial sur la fiscalité internationale.
Vendredi soir, l'institution a annoncé que 136 pays, représentant plus de 90% du PIB mondial, s'étaient entendus sur un taux d'imposition minimal de 15% pour les entreprises. Seuls le Kenya, le Nigeria, le Pakistan et le Sri Lanka n'ont pas rejoint cet accord.
Mais d'autres pays réfractaires à l'idée ont fini par céder ces derniers jours, à commencer par l'Irlande, la Hongrie ou encore l'Inde.
"Nous avons de nouvelles règles pour le siècle qui vient en matière de fiscalité internationale" a résumé Pascal Saint-Amans.
En quoi cet accord est-il si important? Il entérine des années de négociations qui semblaient se terminer en impasse. C'est finalement l'élection de Joe Biden qui a donné le coup de fouet nécessaire à la relance des discussions.
Deux volets pour de centaines de milliards
L'accord tient en deux volets. Le premier concerne les super-profits des plus grandes multinationales, "les gagnants de la mondialisation", qui seront en partie redistribués.
"Aujourd'hui, ces profits sont, soit dans des pays qui sont des hubs pour les investissements comme l'Irlande ou Singapour, soit dans les pays de résidence des entreprises comme les Etats-Unis pour Google ou la France pour Louis Vuitton" détaille Pascal Saint-Amans.
Les règles changeront dès 2023 : 25% des bénéfices seront reversés aux pays de consommation. "Au lieu que les profits de Google soient totalement aux Etats-Unis ou en Irlande, ils seront en partie en France, en Allemagne… même si l'entreprise n'est pas présente physiquement dans ces pays".
C'était une des critiques faites notamment aux GAFA: les géants du numérique gagnaient beaucoup d'argent en France mais évitaient en grande partie de payer des impôts en redirigeant les profits vers leurs sièges sociaux.
"C'est un changement fondamental et c'est une question de justice fiscale" martèle le directeur des affaires fiscales de l'OCDE.
"Ça a été compliqué"
Le deuxième volet de cet accord concerne un taux minimal d'imposition pour les entreprises. Beaucoup de pays ont choisi de ne pas appliquer d'impôts pour attirer les entreprises, se transformant ainsi en paradis fiscaux. D'autres pays, comme l'Irlande ou la Hongrie, proposent des taux d'imposition plus faibles que leurs voisins, provoquant une concurrence fiscale permanente.
Désormais, tous les pays signataires se sont mis d'accord pour un taux d'imposition minimal d'au moins 15% (contre 12,5% pour l'Irlande par exemple). "Ça a été compliqué, la semaine a été très dure avec des négociations de dernière minute car les enjeux sont très importants" reconnaît Pascal Saint-Amans.
Les enjeux, ce sont "125 milliards dollars de produits des entreprises qui vont changer de main" pour le volet 1 et "150 milliards dollars de recettes supplémentaires par an" pour le volet 2.
Reste encore à savoir si cet accord sera pleinement appliqué dans le futur...