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Election américaine: que risquent les entreprises françaises en cas de victoire de Donald Trump?

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Le candidat républicain a d'ores et déjà annoncé qu'il relèverait les droits de douane sur l'ensemble des importations à 10 ou 20% selon les produits.

Les Etats-Unis resteront-ils le quatrième client de la France dans les prochaines années? Alors que les exportations françaises outre-Atlantique ont dépassé les 45 milliards d'euros l'année dernière, l'issue de l'élection américaine pourrait accélérer leur recul après une baisse de 6% entre 2022 et 2023. C'est notamment une victoire de Donald Trump qui est redoutée par les entreprises françaises.

Et pour cause, le candidat républicain a prévenu qu'il augmenterait les droits de douane à 10 ou 20% sur tous les produits importés afin de favoriser la production américaine. Ces droits de douane s'élèveraient même à 60% sur les importations chinoises et iraient jusqu'à 200% sur les importations de véhicules depuis le Mexique.

De quoi susciter l'inquiétude des entreprises européennes. D'après une récente étude d'IFO, 44% des entreprises allemandes craignent qu'un retour de Donald Trump affecte négativement leurs affaires. Toujours selon l'institut économique, la mesure douanière du candidat républicain pourrait entraîner une baisse de 15% des exportations allemandes, déjà à la peine, vers les Etats-Unis. Mais qu'en est-il de l'Hexagone ?

"La France est moins exposée que l'Allemagne au marché américain et va moins souffrir", anticipe Antoine Bouët, directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII).

Aucun secteur d'activité épargné

Tous les secteurs d'activité français ne seraient pas exposés de la même manière à un relèvement des droits de douane américains. Les exportations françaises outre-Atlantique sont dominées par un trio: l'aéronautique qui pèse près de 8 milliards d'euros grâce notamment au géant Airbus, suivi par les produits pharmaceutiques et les boissons tous deux autour de 4 milliards d'euros avec une large part de vins et spiritueux pour la dernière catégorie.

"Chimie-pharmacie, aéronautique, produits de luxe, vins et spiritueux: tous les secteurs les plus performants en termes d'exportations souffriront d'une hausse des droits de douane, estime Antoine Bouët. Ils pourront trouver d'autres clients mais de là à compenser la baisse du marché américain..."

Malgré la méforme de Boeing dont profite Airbus, le directeur du CEPII considère que de moindres ventes de l'avionneur américain pourraient nuire aux exportations d'équipementiers français comme Safran renchéries par les droits de douane. "Quand il y a un effet dépressif, les produits de luxe sont sensibles à la conjoncture et les consommateurs priorisent les produits de première nécessité", met-il en garde alors que les Etats-Unis représentent un relai important pour cette industrie dominée par des géants français.

Vers un triplement du déficit commercial de l'Europe avec la Chine

Plus globalement, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait bouleverser le commerce mondial. Certes, la mise en place du relèvement des droits de douane restent en théorie soumise à l'aval de la Chambre des représentants et du Sénat mais un passage en force du candidat républicain n'est pas à exclure.

Dans le cadre d'une simulation d'une augmentation des 10% des droits de douane sur l'ensemble des produits importés, le CEPII est arrivé à la conclusion qu'une telle mesure entraînerait des représailles commerciales des partenaires des Etats-Unis.

"Finalement, ce serait mauvais pour tout le monde et surtout les Etats-Unis et la Chine, moins l'Union européenne", explique Antoine Bouët.

Avec des droits de douanes relevés à 60% pour les importations chinoises, la Chine déciderait de réorienter ses exportations vers l'Europe. Mais l'économie chinoise dans son ensemble pâtirait d'un marché américain moins porteur, si bien que la Chine réduirait ses importations, notamment depuis l'Europe. "De nouvelles pressions protectionnistes risques d'émerger avec des effets de bord non désirables, résume Antoine Bouët. Le déficit commercial bilatéral entre l'Europe et la Chine triplerait."

Surtout, le directeur du CEPII redoute une accentuation de la remise en cause de l'Organisation mondiale du commerce, déjà vivement critiquée par Donald Trump durant son premier mandat : "Si l'OMC disparaît, ça veut dire qu'il n'y aura plus de règles. Ce sera donc la loi de la jungle et elle n'est bonne que pour les gros."

Timothée Talbi