Bientôt le retour des taux d'intérêt négatifs? En Suisse, la banque centrale abaisse son taux à 0%

Le drapeau suisse à Crans-Montana (Valais), le 4 mars 2018 (photo d'illustration). - FABRICE COFFRINI / AFP
La banque centrale suisse a abaissé jeudi son taux directeur d'un quart de point de pourcentage pour le ramener à 0%, s'abstenant pour l'instant de re-basculer en terrain négatif, malgré des perspectives qui "se sont assombries" pour l'économie mondiale.
La Banque nationale suisse(BNS) a abaissé sa prévision d'inflation pour 2025 à 0,2% (contre 0,4% auparavant) et à 0,5% pour 2026 (contre 0,8% précédemment) mais a laissé sa prévision de croissance inchangée, tablant toujours sur une progression du produit intérieur brut (PIB) entre 1% et 1,5%, a-t-elle indiqué dans un communiqué. "Les perspectives se sont assombries pour les trimestres à venir en raison de la montée des tensions commerciales", a souligné l'institution monétaire.
Dans son scénario de base, l'institut d'émission dit s'attendre à "un ralentissement de l'économie mondiale au cours des prochains trimestres", estimant que l'inflation "devrait augmenter aux États-Unis". En Europe, elle table en revanche sur "une nouvelle baisse de la pression inflationniste". Mais ce scénario "reste entouré d'une grande incertitude", a-t-elle précisé alors que "les barrières commerciales, par exemple, pourraient encore augmenter et freiner plus fortement l'économie mondiale".
Droits de douane
En Suisse, la pression inflationniste a diminué, a ajouté l'institution monétaire pour expliquer sa décision, se disant prête à rester active si besoin sur le marché des changes et à adapter sa politique monétaire si nécessaire. En amont de sa décision trimestrielle de politique, de nombreux économistes s'étaient interrogés quant à savoir si la BNS allait ramener son taux à 0% ou basculer en taux d'intérêt négatif comme cela avait été le cas pendant sept ans entre 2015 et 2022.
Car la vague d'inflation en Suisse a été maîtrisée plus rapidement que chez ses voisins en Europe, l'indice des prix à la consommation étant même tombé en terrain négatif en mai, à -0,1%. Mais l'écrasante majorité des économistes estimaient que la BNS allait probablement attendre encore un peu avant de revenir à un taux d'intérêt négatif, en attendant d'en savoir plus sur les droits de douane réciproques à partir de début juillet.
Entre 2015 et 2022, la politique monétaire de la BNS s'appuyait sur un taux d'intérêt négatif de -0,75%, ce qui avait pour effet de renchérir les dépôts des banques et institutions financières sur les montants qu'elles sont obligées de confier à la banque centrale. L'objectif était de lutter contre la surévaluation du franc suisse, une des grandes valeurs refuge, comme le yen japonais, l'or ou les emprunts allemands. L'augmentation des coûts des dépôts visait à décourager les investisseurs étrangers de se jeter sur le franc suisse.
Gros épargnants
Mais ces sept années de taux négatif ont laissé un souvenir amer aux gros épargnants. Car pour protéger leurs marges, les banques avaient répercuté ce taux sur les gros dépôts de leurs clients, ce qui en pratique revenait à ponctionner des frais plutôt que de rémunérer leur épargne. Ce taux négatif avait également affecté les caisses de retraite, notamment dans les rendements des placements obligataires, ce qui les obligeaient à se tourner vers des investissements plus risqués.
Le taux négatif avait aussi alimenté les craintes de surchauffe du marché immobilier, déjà très tendu, poussant les autorités suisses à prendre une contre-mesure pour refroidir la demande de prêts hypothécaires