BFM Business
International

80% des étudiants chinois reviennent au bercail: comment, à la différence de l'Europe et de la France, la Chine réussit à faire revenir ses "cerveaux" depuis plus de 15 ans

placeholder video
Alors que la fédération Syntec alerte en France sur l’hémorragie des talents à l’etranger, la Chine a su convaincre ses anciens expatriés de revenir au pays alors que la bataille pour attirer les cerveaux.

L'année dernière, l'ancien premier ministre italien Mario Draghi tirait la sonnette d'alarme dans son rapport sur le décrochage européen: le Vieux Continent perd dramatiquement ses "cerveaux".

Il s'appuyait notamment sur une étude de la Commission européenne publiée en 2020 qui dressait une liste de pays les plus touchés par le phénomène la Grèce (6 arrivées pour 10 départs), l'Italie (7 arrivées pour 10 départs) mais aussi la France qui est en "déficit" net avec 9 arrivées pour 10 départs. A l'inverse, le bilan était (du moins avant Donald Trump) positif pour les Etats-Unis avec 12 arrivées pour 10 départs.

Un pays a été longtemps confronté au problème: la Chine. Là-bas, on les appelle les Hai Gui – littéralement les "tortues de mer". Ce surnom poétique désigne ces étudiants chinois partis faire leurs preuves à l’étranger avant de revenir au pays. À partir de 1978, Deng Xiaping ouvre l’économie chinoise et encourage ses étudiants à se former à l’etranger. À l’époque, les universités chinoises n’ont pas le prestige de Harvard ou de Cambridge. Et pour cette élite économique, l’expatriation devient souvent définitive. Entre 1978 et 2006, seulement un quart des étudiants chinois partis à l’etranger reviennent. La Chine vit alors une hémorragie de talents.

Le tournant de la crise financière de 2008

En 2008, la chute de Lehman Brothers suivie de la crise financière mondiale va changer la donne. Face à la violence du choc, l’Occident va perdre en attractivité et en compétitivité. Tandis que l’Europe et les États-Unis coupent dans leurs budgets de recherche, Pékin lance le programme des "1.000 talents": primes attractives, financements abondants, régime fiscal allégé, accès privilégié aux meilleures écoles pour les enfants. En parallèle, des pôles high-tech émergent, créant un écosystème favorable à l’innovation. Résultat: les retours s’accélèrent en Chine.

Près de vingt ans plus tard, le tableau est inversé : sur les 500.000 à 700.000 étudiants chinois qui partent chaque année, plus de 80% reviennent. Les autorités chinoises ne parlent plus de “fuite” mais de circulation” des cerveaux. Un concentré de matière grise qui va alimenter la montée en puissance scientifique et technologique de la Chine.

L’IA au coeur de la bataille mondiale des cerveaux

Les universités et laboratoires de recherche chinois ont notamment su se positionner sur le terrain de l'intelligence artificielle comme l’explique Chunyan Li, fondatrice de Feida consulting et diplomée de l’université de Pékin:

“Aujourd'hui, les universités chinoises forment de brillants ingénieurs. Par exemple, l'université de Tsinghua, c'est l'équivalent du MIT aux États-Unis ou de Polytechnique en France. Et quand on regarde ceux qui en sortent dans le domaine de l'intelligence artificielle, ils n'ont pas forcément besoin d’aller se former à l'étranger.”

En Chine, les pionniers de l’IA étaient partis dans les meilleurs laboratoires aux Etats Unis. En revenant, ces “Hai Gui” ont compris qu’avec son milliard 400 millions d’habitant, la Chine offrait un volume de données inégalable et donc un terrain de jeu formidable pour entraîner et développer les IA. De quoi apporter un avantage décisif dans la bataille mondiale de l’intelligence artificielle.

Mathieu Jolivet