Trains à grande vitesse: pourquoi la Renfe revoit sa stratégie en France et reporte des lancements

Le nouveau train à grande vitesse de la Renfe - Talgo
Les rumeurs semblent se confirmer. Dans une déclaration à l'AFP, la Renfe dit vouloir revoir sa stratégie de développement en France, confrontée à "des difficultés".
Le groupe a lancé une "réflexion" sur sa stratégie de développement en France, en raison des "difficultés et des retards successifs rencontrés dans le déploiement de son offre de services à grande vitesse" dans ce pays.
Cette réflexion va se traduire notamment par un "report" de ses opérations entre Barcelone et Toulouse, censées débuter au deuxième trimestre 2025, précise dans une déclaration envoyée à l'AFP la compagnie publique, sans autre précision sur l'éventuel lancement de cette liaison.
Cela fait plusieurs mois que l'opérateur espagnol, présent en France depuis 2023, dénonce ce qu'il présente comme des entraves pour intensifier sa conquête de la grande vitesse en France.
Plus d'un million de clients en France
L'opérateur espagnol s'est lancé sur le marché hexagonal à l'été 2023 avec deux lignes à grande vitesse reliant Lyon et Marseille à Barcelone et Madrid. Il est ainsi devenu le deuxième opérateur étranger à concurrencer la SNCF, après Trenitalia depuis 2021. Il revendiquait en février dernier plus d'un million de clients.
Outre une nouvelle liaison entre Toulouse et Barcelone censée être lancée cette année (qui est donc reportée sine die), la compagnie ambitionnait de pouvoir faire circuler des trains entre l'Espagne et Paris via Lyon à l'été 2024, pour les Jeux olympiques.
La Renfe, qui a acheté pour cela une trentaine de rames à grande vitesse S106 au constructeur espagnol Talgo, a depuis revu cet objectif.
En cause, la non-homologation de ces rames (certificat de sécurité), suscitant des accusations d'entraves et de non-réciprocité de la part de la France (SNCF Voyageurs est présent en Espagne avec Ouigo et a capté 20% du marché).
"Il est clair pour tout le monde que la France met tout en oeuvre pour empêcher un véritable processus de libéralisation sur son marché. Cela signifie que nous jouons selon des règles différentes", a déclaré le ministre espagnol des Transports Oscar Puente.
Ces critiques ont été rejetées par la France et par la SNCF. La Renfe accuse les autorités compétentes de jouer la montre concernant l'homologation de ses trains à grande vitesse (à travers l'établissement public de sécurité ferroviaire, EPSF) et pointe le lien étroit entre le gestionnaire du réseau (SNCF Réseau) et la SNCF.
Talgo a coupé tout contact avec l'organisme qui homologue ses TGV en France
L'EPSF est l'instance qui délivre les AMEC (autorisation de mise en exploitation commerciale), mais les tests peuvent être réalisés par un autre acteur.
"Renfe et Talgo ont choisi de travailler avec une équipe de techniciens de sécurité autres que celle avec laquelle la SNCF avait l'habitude de travailler. Pas étonnant que ça prenne plus de temps pour approuver les nouveaux trains. Nous travaillons avec les équipes Talgo et Renfe pour résoudre ces problèmes et homologuer les trains", expliquait l'an passé Alain Krakovitch, directeur des TGV/Intercités chez SNCF Voyageurs, selon des propos repris par El Economista.
"Il m’est difficile de comprendre les accusations dont nous faisons l’objet alors que tout est très réglementé, contractualisé et transparent", poursuit-il.
Surtout, selon nos confrères de Ville, Rail et Transports, Talgo a coupé tout contact avec l'EPSF depuis des mois.
"Je n'ai reçu aucune demande pour procéder à de nouveaux essais depuis environ un an, nous avions des contacts très fréquents avec les équipes de Talgo avant 2024, mais depuis, plus rien", indique Lionel Arnold, porte-parole.
De quoi mieux comprendre ce retard. Conséquence, les tests techniques n'étant pas terminés, la procédure administrative d'autorisation est suspendue. Reste que l'EPSF souligne être disponible pour reprendre ces tests.
Rappelons enfin que ces TGV neufs achetés à Talgo, censés circuler en France, connaissent de graves problèmes en Espagne, provoquant la colère du gouvernement contre le constructeur. Preuve que tout n'est pas de la faute de la France.