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Train, bus... Les transporteurs proposent primes et formation accélérée pour recruter des conducteurs

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D'un côté, le métier attire peu, de l'autre, les futurs départs à la retraite risquent d'accentuer la pénurie. Et le problème touche quasiment toute l'Europe...

C'est une pénurie que l'on observe dans tous les domaines du transport de personnes: bus, car, métros, trains. Il manque des milliers de conducteurs pour assurer un service convenable. De quoi provoquer une offre de transports dégradée voire des annulations qu'il s'agisse du car scolaire de ses enfants ou du train du quotidien pour se rendre à son travail...

Des chiffres toujours inquiétants

Selon la Fédération nationale du transport de voyageurs (FNTV), il manque pas moins de 8000 conducteurs d’autocar (chiffre à fin août). L’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), estime de son côté que 3000 à 4000 postes de chauffeurs de métro, tramway et bus ne sont toujours pas pourvus.

Le phénomène n'est pas que français. Selon une étude de l'IRU, la demande de chauffeurs en Europe a déjà augmenté de 44% de janvier à septembre de cette année.

Et alors que 30% des conducteurs prendront leur retraite d'ici 2026, le taux de remplaçants est 4 à 7 fois moins important, la pénurie en Europe pourrait donc dépasser les deux millions d'ici 2026 avance le rapport.

"La crise de la pénurie de chauffeurs en Europe s'accélère rapidement et constitue une menace majeure pour le continent si rien n'est fait. Les services d'autobus et d'autocar, le mode de transport collectif le plus utilisé dans l'UE, sont au cœur des objectifs de décarbonation de l'Europe. Sans chauffeurs, l'économie, la mobilité sociale et le plan climat de l'Europe vont s'arrêter" alerte Umberto de Pretto, Secrétaire général de l'IRU.

Pour faire face, les transporteurs et les autorités multiplient les offensives avec des effets qui tardent encore à être palpables.

Fluidifier les recrutements

En 2022, 81% des recrutements sont jugés difficiles par les entreprises du transport routier de voyageurs. Ils étaient de 42% en 2017 et ont quasiment doublé en cinq ans.

Pôle emploi et la Fédération nationale des transports de voyageurs viennent ainsi de signer un accord cadre national d'une durée de trois ans. Il doit permettre d'optimiser la mobilisation des services de recrutement de Pôle emploi, d'accompagner les entreprises dans la mise en place d'actions communes en faveur de l'attractivité des métiers et de développer les compétences et contribuer à la construction de parcours de formation.

Transdev (important opérateur de bus et de cars en régions), cherche de son côté à renforcer des partenariats avec les agences d’intérim, associations, Pôle emploi, et autres acteurs économiques et sociaux du territoire.

Il fait également rouler un bus "Destination Emploi" pour faire découvrir les métiers du transport au plus grand nombre.

La communication est d'ailleurs au coeur de cette offensive. "Il y a beaucoup d'a priori sur nos métiers alors que c'est un métier de passion. Il y a des campagnes au niveau des régions, de Pôle Emploi... Les grands opérateurs communiquent également sur l'emploi mais on a toujours autant de mal à attirer, ça ne prend pas" résumait pour BFM Business Ingrid Mareschal, déléguée générale de la FNTV.

Baisser l'âge des conducteurs, intensifier les formations

Jusqu'à présent, l'impossibilité de recruter des jeunes de moins de 20 ans pesait fortement sur les recrutements des chauffeurs de cars.

Sous l’impulsion de la FNTV, le gouvernement a publié un décret le 2 mai 2021 abaissant l’âge d’accès au permis D à 18 ans. De quoi donner de l'oxygène aux transporteurs et à Pôle Emploi sans pour autant régler la situation.

Le secteur est également en train de revoir en profondeur la formation en créant de toutes pièces une filière d'apprentissage composé d'un nouveau CAP d’agent d’accueil et de conduite routière incluant le passage du permis D ainsi que l'installation de CFA (centres de formation d'apprentis). Mais les premiers diplômés sortiront en 2025 pas avant...

A la SNCF, afin de pourvoir les postes vacants, une expérimentation a été lancée pour réduire le cursus de formation des conducteurs de trains de la banlieue parisienne d’environ deux mois pour passer à dix mois, contre 12 mois actuellement sans rogner sur les questions de sécurité, peut-on lire dans Ville, Rail et Transports.

D'autres opérateurs décident de (re)prendre en charge eux même la formation comme Transdev qui a lancé une académie qui offre des stages de formation de 6 semaines. L'entreprise finance l'ensemble programme, qui se traduit par l'obtention d'un diplôme reconnu au niveau national.

Augmenter les salaires, revoir l'organisation du travail

Les négociations collectives ont permis d'aboutir à une augmentation de 5% des rémunérations en deux fois tandis que le secteur a revalorisé le travail de nuit, le dimanche et le week-end. Pour autant, ce rattrapage reste inférieur au niveau de l'inflation en France.

Mais les marges de manœuvre ne sont pas infinies. Comme dans le train, ce sont les régions qui fixent contractuellement les tarifs. "On ne peut pas augmenter les salaires massivement sous peine de perdre les appels d'offres", souligne Ingrid Mareschal, déléguée générale de la FNTV. "Et ce sont souvent les moins-disants qui sont choisis. C'est tout le modèle de contractualisation qu'il faut revoir."

Les conditions de travail constituent également un frein car les métiers de conducteurs de cars notamment sont à temps partiel avec un service tôt le matin et tard le soir, soit environ 4 heures de travail par jour. Les salaires sont donc mécaniquement peu élevés. 40% des contrats sont à temps partiel.

Les transporteurs exhortent donc les régions à faire des lots pour offrir plus de volumes horaires aux conducteurs et donc plus de salaire ou échelonner les horaires d’entrées et de sorties des établissements scolaires. Mais toutes les régions ne répondent pas à cet appel, regrette la FNTV.

Mais face à des salaires jugées encore faibles et à des conditions de travail difficiles, les opérateurs imaginent de nouveaux leviers.

Offrir des primes de parrainage

Île-de-France Mobilités (IDFM) a ainsi décidé de verser une prime de 2000 euros pour tous les demandeurs d’emploi qui choisiront une formation de conducteur de bus dans la région.

A la RATP, la cooptation va être mise en place pour la première fois, avec l'opération "Parrainons gagnant". En cas d’embauche, le machiniste (chauffeur) qui a transmis le CV du candidat touchera une prime de 150 euros. Si le candidat embauché est encore présent à la Régie un an après son recrutement, il recevra 150 euros supplémentaires.

Transdev de son côté propose l’attribution d’une prime de 500 euros à chaque salarié qui permet un recrutement par cooptation ou le retour pour une activité à temps partiel de conducteurs récemment partis à la retraite.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business