"Elle brûle la planète de manière disproportionnée": les émissions de CO2 de l'aviation d'affaires explosent

De quoi apporter de l'eau au moulin aux détracteurs de l'aérien en général et de l'aviation d'affaires en particulier, qui pour certains représentent un scandale écologique.
Selon une étude publiée dans la revue Communications Earth and Environment, si elles restent encore marginales, les émissions de CO2 de ce type d'aviation ont connu dans le monde une croissance sans précédent depuis 2019, bondissant de 46%.
Selon ses auteurs, le nombre de jets privés, de voyages (4 millions par an) et les distances parcourues ont tous augmenté au cours des quatre dernières années.
Plus précisément, le nombre de jets privés a augmenté de 28,4% sur la période, pour atteindre près de 26.000 appareils en 2023.
1,7 à 1,8% de l’empreinte carbone en 2023
Dans la majorité des cas, les distances parcourues ne dépassent pas les 500 kilomètres, une distance pourtant faisable en train, souligne le document.
Au total, l’étude estime que l’aviation d’affaires est responsable de "1,7 à 1,8%" de l’empreinte carbone en 2023.
Pour parvenir à ces chiffres, les auteurs ont collecté des journaux de bord d’avions privés de 2019 à 2023, qui fournissent des informations de localisation en temps réel pour tous les vols. Les données sur le temps de vol ont ensuite été "associées à la consommation de carburant spécifique au modèle d’avion pour déterminer les émissions", explique Stefan Gössling, co-auteur et chercheur à l’université Linnaeus en Suède.
"Bien que l’aviation privée ne représente évidemment qu’une petite part de l’aviation commerciale, elle montre vraiment à quel point elle brûle la planète de manière disproportionnée", commente Milan Klöwer, co-auteur et chercheur sur l’impact de l’aviation sur le réchauffement climatique à l’Université d’Oxford, au Royaume-Uni.
Bonne nouvelle néanmoins, bien que les émissions totales de CO2 aient augmenté de 10,7 à 15,6 millions de tonnes, les émissions moyennes par kilomètre ont diminué, "ce qui pourrait être dû à des appareils plus efficaces", peut-on lire.
Mais pour Milan Klöwer, l’augmentation mondiale de l’utilisation des jets privés n’est "pas durable". Il estime qu’une réglementation plus stricte contribuerait à réduire les incitations à l’utilisation des vols privés.
La France: premier marché européen des jets privés
"Le carbone est un coût, et ce coût devrait être internalisé. Je pense que chaque pays pourrait taxer chaque jet privé qui atterrit ou décolle" tout en reconnaissant que des règles comme celles-ci seraient "politiquement très, très difficiles".
Si les opérateurs mettent en avant leur importance dans le transport médical d'urgence, l'étude pointe surtout un recours "saisonnier évident, avec une pointe estivale".
Et de citer de grands événements sportifs, ou encore le Festival de Cannes, les rencontres économiques de Davos et le sommet climatique COP28 de Dubaï en 2023 comme les grands moments de consommation de jets privés.
Rappelons qu'en France, l'aviation d'affaires fait également polémique, surtout que le pays est le premier marché d’Europe en termes de mouvements de jets privés (en 2021). La crise du covid a été un catalyseur pour ce marché.
Le projet de Budget 2025 prévoit d'ailleurs que l'aviation d'affaires soit davantage mise à contribution.
"Sans tomber dans la démagogie, ni dans la chasse ad hominem, il y a un certain nombre de comportements qui ne passent plus. Il existe des motifs d'urgence, des impératifs économiques, mais ça ne peut pas être un mode de déplacement individuel de confort, alors que la mobilisation générale engagée par le président nécessite que tout le monde fasse des efforts", expliquait Clément Beaune, ancien ministre des Transports.