Alfa Roméo 4C : le joujou extra

L'Alfa Roméo 4C a une gueule d'enfer, photographiée ici sur l'anneau de vitesse du circuit de Mortefontaine (Oise). - Cédric Faiche - BFMTV
On ne monte pas dans la 4C, on passe une jambe et on se laisse tomber au ras du sol! La réception virile laisse penser qu'Alfa Roméo a oublié la garniture des sièges en ne laissant que la coque. Et puis il faut rentrer la jambe gauche sous le volant en la passant au dessus de l'énorme seuil en carbone.

Je pense m'accorder un peu de confort en essayant d'incliner le dossier mais c'est raté: même incliné au maximum il reste très droit. L'ambiance est donnée: ne pensez pas vous affaler derrière le volant, le coude à la portière, il va falloir bosser. D'ailleurs il n'y a pas d'accoudoir. Et dès les premiers kilomètres je comprends pourquoi. La 4C ne se conduit pas, elle se pilote, les mains sur le volant à 10:10 comme on l'a appris (et oublié depuis) à l'auto-école. Le petit volant à jante épaisse retransmet la moindre irrégularité de la route et pour cause: la direction n'est pas assistée. Du coup elle est un peu lourde à l'arrêt mais s'allège aussitôt que la voiture roule.

Le moteur contribue bien à l'ambiance de course, il est installé juste derrière les sièges, séparé par une simple vitre, et il est très présent. Mais très vite, son bruit est couvert par celui de l'échappement et là, c'est un festival!
Dès que le moteur est allumé, l'échappement commence ses borborygmes et il révèle une gamme de sons impressionnante, tous aussi gutturaux les uns que les autres.
Elle grogne, pète, rote!
Outre la ligne et les accélérations, c'est ce son que je retiendrai de la 4C. Lorsque j'effleure l'accélérateur et que je quitte l'arrêt, elle babille comme le ferait un enfant jouant avec ses lèvres. J'enfonce un peu plus le pied droit et elle grogne "brrroooo!" et rugit "roaaarrrr!" Une fois lancé, je lève le pied un instant et elle ponctue en remettant toute seule un bref coup de gaz, comme si je m'apprêtais à faire un talon pointe en pleine course. Parfois, à régime plus élevé, elle fait entendre un "pet!" bien sonore. Et le concert commence bien avant de dépasser 50 km/h. Inutile de vous faire un dessin pour que vous imaginiez la tête des piétons sur le trottoir. Les regards se tournent vers la 4C en pensant voir débouler une Ferrari. A vrai dire les passants ne sont pas plus avancés une fois que l'Alfa est sous leurs yeux avec sa ligne exubérante. Je pense que presque aucun ne saurait donner sa marque sans regarder le badge sur la carrosserie.

Pour me faire discret, j'utiliserai les palettes au volant pour passer les vitesses. Elles permettent de gérer les rapports manuellement. Alors en ville, je passerai systématiquement un rapport de plus pour être en léger sous-régime et je tenterai ainsi de garder l'échappement un peu assoupi. C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour emprunter les rues sans affoler les passants. Mais dès la sortie de la ville, quel bonheur de sentir une voiture aussi communicative!
Priorité aux sensations
La suspension est sèche bien sûr mais finalement, moins inconfortable que je ne le craignais après m'être installé brutalement dans le siège baquet. En fait, tout est cohérent dans cette voiture conçue pour le pilotage et les sensations dès les premiers kilomètres/heure et on ne lui demande pas de nous épargner.

Le parti-pris est si clair qu'on ne lui reproche pas ses défauts, pourtant réels pour une voiture de série à plus de 50.000€. Les plastiques intérieurs n'essaient pas de paraître luxueux, ils ne le sont pas, même s'ils sont bien ajustés et paraissent solides. L'équipement est minimal, à l'image des commandes de chauffage, sans thermostat automatique. Compte tenu de l'état d'esprit "voiture de course", j'en arrive même à être surpris de trouver la climatisation ou les vitres et rétros électriques. En fait, l'essentiel est là. Mais l'ergonomie est conçue pour la conduite, pas pour le confort ou le luxe apparent. Le vrai luxe, c'est le gain de poids obtenu avec un habitacle en carbone et l'utilisation d'aluminium.

J'évoquais ses défauts et sur ce chapitre je n'ai pas fini. La visibilité vers l'arrière est nulle sans les rétros extérieurs. Le coffre est minuscule, c'est un trou coincé entre le pare-choc arrière et le moteur! Pour voyager, ne prenez pas de valise. Rangez directement vos chemises, caleçons et chaussettes dans le compartiment et n'emportez qu'une paire de chaussures, celle que vous avez aux pieds. Oubliez l'avant de la voiture, même s'il n'y a pas de moteur, il ne s'ouvre pas. Le remplissage du réservoir de lave-glace est un beau moment insolite : il faut se munir d'un tournevis pour ôter une grille au pied du pare-brise mais Alfa-Roméo a prévu l'entonnoir, rangé avec les outils de bord, pour faire le plein! Il faut aimer jouer au Meccano pour s'occuper de sa 4C.
Voiture pour grands enfants
En fait, ça tombe bien. Cette 4C est une voiture pour les enfants qui ont grandi... Vous savez, ces enfants qui passaient des heures à jouer aux petites voitures, allongés par terre en imitant le bruit du moteur avec leur bouche.

En temps normal, il m'en faudrait moins pour trouver inadmissible tel ou tel défaut mais cette voiture se fait tout pardonner car elle n'a cédé à aucun tiède compromis. Elle reste fidèle à sa philosophie de voiture-plaisir qui décuple les sensations sans pour cela avoir besoin de rouler à des vitesses folles.
Et pourtant l'allure a vite fait de s'emballer avec 240 chevaux et un turbo pour à peine plus de 900kg. Le moteur en position centrale arrière est idéalement placé et les assistances électroniques paramètrables à la carte veillent à pardonner vos excès de confiance, tout en laissant un peu de marge. L'ABS et l'ESP se déclenchent plus tardivement que sur une voiture ordinaire.
L'esprit d'une petite Ferrari
La 4C est une voiture attachante, trop chère pour être conduite par monsieur Tout-le-monde et de toute façon inadaptée à la vie quotidienne. Mais elle est enthousiasmante à regarder et jouissive à conduire. Et elle rassure sur l'avenir d'Alfa Roméo.

La marque italienne semble avoir renoué avec son passé, quand elle fabriquait des carrosseries magistrales avec des moteurs au tempérament volcanique qui faisaient vibrer les amoureux d'automobiles et faisaient rêver les autres.