Stellantis: pour succéder à Carlos Tavares, la piste interne privilégiée, le patron de Renault n’a plus la cote

Il était encore à quelques mètres de Donald Trump lors de son investiture à Washington, lundi dernier. A écouter attentivement les propos du président américain sur les constructeurs automobiles et la fin des injonctions sur les véhicules électriques. Un mois plus tôt, il l’avait croisé à l’inauguration de Notre-Dame de Paris où des politesses avaient été échangées. Ce puissant parmi les puissants qui tournent autour de Donald Trump, c’est John Elkann. A la fois né aux Etats-Unis et héritier de l’empire Fiat, le président de Stellantis symbolise deux de ses piliers: les racines italiennes du constructeur et son centre de gravité américain.
John Elkann a la délicate mission de trouver un successeur à Carlos Tavares, éjecté de son siège de directeur général début décembre. Une tâche ardue tant il incarnait Stellantis depuis sa création en 2021. Un profil subtil à trouver pour relancer les marques américaines (Chrysler, Jeep, Ram et Dodge) tout en préservant les marques européennes historiques (Fiat, Peugeot et Citroën).
"Elkann cherche un opérationnel aussi bon que Tavares mais plus calme, ironise une source proche de Stellantis. En tout cas pas un profil politique ."
L’héritier des Agnelli se charge lui-même de parler aux équipes de Donald Trump, qu’il a rencontré à Washington, selon Reuters. Il connait déjà Emmanuel Macron et a vu Gorgia Meloni à plusieurs reprises, elle qui entretenait des relations glaciales avec Carlos Tavares.
Antonio Filosa, un favori choisi en interne?
Le futur patron de Stellantis doit "connaitre le marché américain sans être américain", résume un bon connaisseur du groupe. Après Carlos Tavares issu des rangs de Peugeot, la logique de la fusion avec Fiat en 2021 veut que le directeur général provienne, cette fois, du constructeur italien. Un nom est aujourd’hui sur toutes les lèvres: celui d’Antonio Filosa.
Cet italien coche toutes les cases et correspond au profil du "mouton à cinq pattes" recherché par John Elkann. Il dirige les activités américaines depuis le mois d’octobre et a passé 20 ans chez Fiat. Dans l’entourage de Stellantis, on reconnait qu’il est "candidat" et que son nom figure en haut de la liste. Le groupe, officiellement, ne fait pas de commentaires et rappelle que le nouveau directeur général sera nommé au cours du premier semestre. Plutôt après l’assemblée générale du 15 avril, précise une source.
"Elkann souhaiterait privilégier une solution interne", estime un de ses proches. "C’est lui (Filosa, NDLR) l’option interne", reconnait un proche des Peugeot. Antonio Filosa est observé aux Etats-Unis par l’état-major de Stellantis. Sa mission: redresser les marges. Il a pour lui d’avoir développé Fiat en Amérique du Sud, notamment au Brésil, sous l’ère de son emblématique patron, Sergio Marchionne.
"Il a toujours été fidèle à Fiat", résume un expert de l’automobile qui souligne ce point clé pour John Elkann.
Une petite pique aussi pour l’autre nom qui circule depuis plusieurs mois: l’Italien Luca De Meo. Bien qu’italien, le patron de Renault n’a pas quitté Fiat en bon terme. Dans l’entourage de Stellantis, les sources convergent pour "enterrer" la candidature de Luca De Meo. Même son de cloche chez Renault, même si officiellement, le constructeur ne fait pas de commentaires. "Quand Elkann dit vouloir un dirigeant qui connait le marché américain, ça tue d’emblée l’option De Meo", conclut un connaisseur.
Un choix audacieux d’Elkann?
Un proche de Carlos Tavares, qui a toujours détesté l’idée de voir son rival chez Renault lui succéder, croit savoir que Luca de Meo s’est fait une raison. "Il dira qu’il ne peut pas abandonner son œuvre de redressement de Renault pour sauver la face", glisse-t-il. S’il ne l’a jamais évoqué publiquement, Luca De Meo a caressé l’idée de devenir le big boss de la "world company" qu’est Stellantis. C’était il y a un an, juste avant le renouvellement de son mandat de directeur général, la rumeur avait enflé au point d’agacer quelques administrateurs de Renault.
Autre candidat dont l’étoile pâlit: le Français Maxime Picat. Proche de Carlos Tavares et venant de Peugeot, il ne coche pas les bonnes cases. Aujourd’hui à la tête de la division achat et fournisseurs de Stellantis, il a fait toute sa carrière chez Peugeot où il a gravi les marches une à une, jusqu’à diriger les activités de la marque en Chine. Chez Stellantis, il s’est aussi occupé de sécuriser l’approvisionnement en matières premières, un poste éminemment stratégique. "S’il n’y avait que PSA, ce serait Picat", affirme un connaisseur de l’entreprise. Pour autant, la messe n’est pas dite.
"Pas trop vite", glisse un proche de John Elkann, qui rappelle que l’homme est connu pour "ses choix audacieux".
"Il n’est jamais là ou où on l’attend", abonde un connaisseur du secteur. En 2004, il avait ainsi choisi un financier, spécialiste de la certification et inconnu ou presque du monde automobile, pour redresser Fiat: Sergio Marchionne.