Pouvoir d’achat : Intermarché part en guerre

- - Damien Meyer/AFP
Les patrons d’Intermarché sont inquiets, et craignent une forme de « choc pouvoir d’achat » entre les dispositions de la loi alimentation qui vont limiter les promotions et la retenue à la source. « Il y a des français qui sont à l’Euro près quand ils font leurs courses, notre opération Nutella à -70% l’a clairement démontré » dit le groupement, « il n’est pas question de renoncer à leur apporter ce qu’ils demandent ».
Dans l’attente des décrets d’application qui viendront préciser les modalités de la loi, Intermarché veut donc « réinventer la dynamique commerciale ». Thierry Cotillard, le président d’Intermarché, l’explique en toute franchise : « comme la consommation est atone dans les grandes surfaces, notre croissance ne peut se faire qu’au détriment des concurrents ». Et pendant que Carrefour ou Système U décident de miser sur la « transition alimentaire » et sur la qualité, Intermarché, comme Leclerc, va se concentrer sur les prix, encore et toujours.
Intermarché « anti-système »
Car les « émeutes Nutella » n’ont pas fait fuir les clients, bien au contraire. Intermarché était à 14,3% de part de marché en 2017, et se retrouve maintenant à 14,7%. Un gain de 0,4% qui n’est absolument pas anecdotique alors que Carrefour multiplie les initiatives pour se relancer, et que la galaxie Casino, sous l’étroite surveillance des marchés financiers, n’a plus le droit à l’erreur.
Quand on affirme partout que le modèle de l’hyper est mort, Intermarché voit une progression de 3,56% l’année dernière sur ce format, comme si l’image de « hors la loi » que lui avait donnée son opération promotionnelle record avait séduit les clients. Hors la loi et anti-système : avoir l’ensemble de la profession, du gouvernement, et du secteur agro-alimentaire contre soi est visiblement une opération rentable.
Mais ce sont bien les centres-villes qui sont la prochaine cible, avec nouveau concept de magasin urbain ultra-connecté promis pour le printemps. Le commerce alimentaire en ville représente environ 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont la moitié sur Paris, « l’urbain et le digital sont les marchés en croissance du secteur » affirme Intermarché au site spécialisé Linéaires, le nouveau concept de magasin sera centré sur les produits frais, avec un espace de retrait ouvert jusqu’à 22 heures pour récupérer les produits classiques de grande consommation commandés sur Internet.
« Logique absurde »
Une stratégie qui semble calquée sur celle de Leclerc. Les deux enseignes sont d’ailleurs issue du même moule (les Mousquetaires ont quitté le groupement Leclerc à la fin des années 60) , et qui va forcément peser sur les arbitrages qui doivent encore être rendus par le gouvernement.
Intermarché comme Leclerc est parfaitement d’accord pour « respecter l’esprit des Etats Généraux de l’alimentation et jouer le jeu avec les agriculteurs en fixant des prix d’achats qui respectent les coûts de production et la rémunération des producteurs », mais comme Leclerc, il refuse cette idée selon laquelle une augmentation du Coca-Cola va permettre d’irriguer l’ensemble de la filière agricole.
La logique de la loi est de redonner de la marge aux grands distributeurs pour qu’ils puissent mieux rémunérer les produits agricoles. « Logique absurde » disent maintenant deux distributeurs de poids, leur marge c’est par leur efficacité opérationnelle qu’ils la maintiennent, tout le reste doit être rendu aux consommateurs.
D’ailleurs, à ce jour, ni les distributeurs, ni les industriels de l’agro alimentaire ne sont en mesure d’expliquer clairement comment marchera ce « ruissellement commercial » et cela après pratiquement 18 mois de débats sur la question. Dans une période de forte tension sur le pouvoir d’achat, les hésitations du gouvernement sur la publication des décrets d’application de la loi alimentation semblent montrer qu’il n’est pas insensible à ces arguments. Intermarché va confirmer cette semaine qu’il a choisi son camp, celui des français « qui sont à l’Euro près »