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Moins de contraintes sur les droits de l'homme et l'environnement pour les entreprises? Ce projet d'Emmanuel Macron fait s'étrangler le patron de la MAIF

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Emmanuel Macron souhaite supprimer la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises. Pour le patron de la MAIF, cette mesure permet de "rétablir des conditions normales de concurrence entre les entreprises européennes et non-européennes".

"Je ne comprends pas cette annonce." Le directeur général de la MAIF Pascal Demurger s'est étonné de la volonté d'Emmanuel Macron d'abandonner la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises.

Cette mesure aussi appelée la CS3D, oblige les grands groupes à surveiller que leurs fournisseurs immédiats respectent les droits de l'homme et les réglementations environnementales. Elle a récemment été assouplie par la directive Omnibus qui a restreint son périmètre aux partenaires directs uniquement, sans inclure l'ensemble de la chaîne de valeur. Son application a par ailleurs été repoussée de 2027 à 2028.

Pascal Demurger, qui est également co-président du Mouvement Impact France, une organisation patronale française d'entreprises engagées, a répété ne pas comprendre la prise de position du président de la République "tant sur le plan économique que sur le plan politique".

"C'est la France qui a soutenu, sous présidence française de l'Union européenne, l’ensemble du pacte vert européen, dont cette directive sur le devoir de vigilance", rappelle Pascal Demurger sur BFM Business mercredi 21 mai. "Encore ces derniers jours, Éric Lombard soutenait une révision de cette directive mais jamais il n’a soutenu sa suppression", martèle-t-il.

"Emmanuel Macron lui-même soutenait très fortement cette directive."

Une directive pour la "souveraineté européenne"?

Il reste également circonspect sur les conséquences économiques d'une suppression du devoir de vigilance des entreprises. La directive européenne prévoit que cette obligation s’applique aussi aux entreprises étrangères, non-européennes, qui veulent vendre en Europe.

"À l'heure où on parle de protection de nos marchés, de souveraineté européenne, de défense de notre industrie: on a un outil pour rétablir des conditions normales de concurrence entre les entreprises européennes et non-européennes", souligne Pascal Demurger.

"Et on envisage de supprimer cette directive?", s'étrangle le patron de la Maif.

Un risque de compétitivité pour les entreprises françaises?

Le président de la République a en effet répondu à des critiques de la part du Medef, l'organisation patronale regrettant une directive qui "conduit à aggraver le fardeau administratif et règlementaire qui pèse déjà fortement sur la compétitivité de nos entreprises".

Sauf que tous les dirigeants ne sont pas de l'avis du Medef. Certains responsables patronaux s'interrogent et craignent un risque de compétitivité pour les entreprises françaises. Car la France n'a pas attendu l'Europe pour mettre en place tout un arsenal législatif.

L'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013, lors duquel plus de 1.100 personnes travaillant dans des ateliers de confection sont mortes, a poussé la France à devenir le premier pays à instaurer un devoir de vigilance.

Sauf que tirer un trait pur et simple sur ces obligations risque du coup de donner un avantage à nos concurrents européens. "On risque de se retrouver avec des obligations en France et plus rien pour les autres", résume un haut responsable patronal.

Une responsabilité "morale"

Par ailleurs, le champ de cette directive a été fortement réduit, pour ne plus s'appliquer qu'aux grands groupes. 5.400 entreprises seraient concernées, contre 16.000 dans l’accord initial de décembre, d’après l’ONG Global Witness.

"Ça concerne un nombre d’entreprises très limité, seulement 0,05% des entreprises, qui du fait de leur taille, ont les moyens de faire ce genre de reporting", assure de son côté Pascal Demurger.

Il pointe enfin les "responsabilités" des patrons: parmi elles, "la pérennité et la rentabilité de son entreprise" mais aussi "la responsabilité des conséquences de l’action de son entreprise".

"Au plan moral, si on peut encore utiliser ce terme, oui un dirigeant d’entreprise doit se préoccuper des conditions de travail et écologiques dans lesquelles ses fournisseurs travaillent", estime-t-il.

Marine Cardot avec Caroline Morisseau