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CO2: le gouvernement veut convaincre l'UE de ne pas (trop) sanctionner les constructeurs automobiles

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Le ministre de l'Economie souhaite créer une coalition avec ses partenaires européens afin de demander à la Commission européenne d'assouplir les amendes prévues à l'encontre des constructeurs automobiles qui n'auront pas rempli les objectifs de baisse du CO2 en 2025.

"Les constructeurs fermement engagés dans l'électrification des véhicules ne devraient pas avoir à payer d'amendes". Dans une interview donnée aux Echos le 3 novembre, le ministre de l’Economie et des Finances Antoine Armand prend la défense de l'industrie automobile et notamment de l'industrie automobile française. Les constructeurs automobiles ne devraient en effet pas atteindre les objectifs de diminution de CO2 en 2025, ce qui les expose à de lourdes amendes potentielles.

Selon la norme CAFE (Corporate average fuel economy), entrée en vigueur en 2021, les constructeurs automobiles doivent progressivement vendre des véhicules de moins en moins polluants. Jusqu’au 1er janvier 2025, ils doivent ainsi atteindre une moyenne de 95 grammes de CO2 par kilomètre maximum sur la moyenne de tous leurs véhicules vendus en une année.

À partir de 2025, et jusqu'en 2029, cet objectif est de baisser cette moyenne à 81 grammes par kilomètre pour chaque véhicule neuf vendu en moyenne. Cela représente une baisse de 15% du quota d’émission de CO2. Autrement dit, la vente de voiture électrique est censée représenter au moins 20% des ventes totales en 2025. L’objectif en 2035 est à terme de mettre fin aux ventes de véhicules thermiques.

Baisse des ventes de l'électrique

Le problème est que la grande majorité des constructeurs reste encore loin de cet objectif. En août, l'électrique ne représentait que 12,5% du marché automobile européen.

Si l’hybride continue à progresser, la part de marché du 100% électrique est en baisse. Pour Luca de Meo, patron du groupe Renault et qui représente les constructeurs européens en tant que président de l'ACEA, le ralentissement du marché s’explique par des prix encore trop élevés, l’installation trop lente de bornes de recharge, et l’incertitude sur les subventions à l’achat (qui ont été supprimées en Allemagne entraînant une forte chute des ventes).

Contexte de crise pour l'automobile

La moral en berne des ventes de voitures électriques s'inscrit dans un contexte de crise de l'industrie automobile. Recul des ventes, licenciements, baisse des aides publiques à l’achat des véhicules électriques… "La filière française et européenne est aujourd’hui en danger", a martelé Luc Chatel, président de la plateforme automobile à la commission des affaires économiques du Sénat en octobre 2024.

Récemment de nouvelles taxes sur les produits chinois ont bien été adoptées, afin de limiter la concurrence chinoise sur les technologies électriques. Mais le secteur craint de ne pas profiter de ce parapluie, plombé par les amendes. Une crainte que semble entendre le gouvernement français.

"Ne nous tirons pas une balle dans le pied", a déclaré Antoine Armand dans les colonnes des Echos.

Le ministère de l'Economie et des Finances considère que l’objectif à atteindre en 2025 est trop haut. "Si nous devons infliger des amendes gigantesques aux constructeurs parce qu'ils ne sont pas allés assez vite, la première conséquence sera d'affaiblir l'investissement et surtout de renforcer nos concurrents asiatiques", a-t-il poursuivi.

Quelles pénalités pour les constructeurs?

Les montants varient quant aux pénalités qui pourraient s'abattre sur les constructeurs. La patron du groupe Renault a chiffré ces sanctions à 15 milliards d’euros sur France Inter début septembre. Des analystes d’HSBC prévoient plutôt un montant de 5,1 milliards d’euros, notent Les Echos.

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Des solutions encore floues

Le gouvernement semble vouloir soutenir cette position à Bruxelles. Antoine Armand a mentionné une "coalition avec nos partenaires européens" afin "d’éviter de pénaliser nos constructeurs dans leurs investissements, justement au moment le plus crucial de leur transition industrielle."

"La France souhaite désormais que la Commission européenne propose une solution ciblée afin que les acteurs vraiment engagés dans cette transition n'aient pas à payer d'amende au titre de 2025, sans remettre en cause notre trajectoire de décarbonation des mobilités", détaille dans Les Echos Marc Ferracci, ministre en charge de l'Industrie.

La plupart des constructeurs européens ont demandé à Bruxelles des mesures d’aides urgentes.

Toucher à la norme CAFE ne semble toutefois pas envisagé. "Il faut garder le cap de la décarbonation et l'échéance de 2035 sur la fin du moteur thermique", a ajouté le minsitre de l'Industrie aux Echos.

Ne pas "ouvrir une brèche dans les normes CO2 des voitures"

De quoi rassurer l'ONG Tansport et Environnement (T&E), qui s'inquiète de son côté que "la France ouvre une brèche dans les normes CO2 des voitures" avec cette initiative du gouvernement français pour éviter ces sanctions financières.

"La France se laisse berner par les constructeurs et ouvre la boîte de Pandore, explique dans un communiqué Diane Strauss, directrice de T&E France. Sans sanction, une loi n’a pas d’effet."

Revenir sur ce cadre et "les amendes prévues pour les constructeurs hors-la-loi constituerait un dangereux précédent susceptible d’affaiblir l’ensemble du Green Deal, pourtant soutenu par la France. Les constructeurs, s’ils ralentissent leurs ventes de voitures électriques en 2025, prennent le risque de se faire dépasser par la concurrence internationale", insiste Diane Strauss.

Louise de Maisonneuve