Nucléaire: le gouvernement belge acte un virage à 180 degrés avec la relance de l'atome

La Belgique va-t-elle s'éloigner de l'Allemagne pour se rapprocher de la France sur le terrain énergétique ? En 2003, le pays avait pris la décision de sortir progressivement du nucléaire à l'instar des Allemands. Plus de vingt ans plus tard, le nouveau gouvernement fédéral rétropédale. La large coalition baptisée "Arizona", composée du Mouvement réformateur (MR), des nationalistes flamands de la N-VA, des Engagés (centristes), des chrétiens-démocrates du CD&V et des socio-démocrates néerlandophone de Vooruit, prévoit à présent de prolonger des réacteurs existants qui répondent aux normes de sûreté.
Dans l'accord de coalition conclu vendredi, le gouvernement fédéral acte la prolongation des réacteurs Doel 4 et Tihange 3 pour dix années supplémentaires. La précédente coalition, Vivaldi, avait déjà convenu avec l'exploitant Engie d'une prolongation de dix ans du fonctionnement de ces tranches qui seront donc exploitées au moins jusqu'en 2035. En revanche, l'énergéticien français est réticent quant à une prolongation jusqu'en 2045:
"Développer de la production d'électricité sur base nucléaire, ça ne fait plus partie de nos priorités stratégiques", explique à RTL Vincent Verbeke, patron d’Engie Belgique, qui évoque un accent plutôt mis sur le développement des énergies renouvelables ou la flexibilité.
Or, d'autres tranches pourraient être concernées par des prolongations alors que la filiale belge d'Engie Electrabel doit mettre à l'arrêt dès cette année les trois installations les plus anciennes du pays (Doel 1 et 2 et Tihange 1). À ce titre, la coalition Arizona a indiqué qu'elle entamerait des discussions avec l'exploitant nucléaire et les propriétaires des sites comme la filiale belge d'EDF, Luminus, qui détient 10% de Doel 4 et Tihange 3 ou encore EDF Belgium qui est détient 50% de Tihange 1.
Construction de nouveaux réacteurs nucléaires
Mais le gouvernement fédéral ne mise pas uniquement sur la prolongation de tranches existantes pour assurer son approvisionnement électrique dans les prochaines décennies. Il souhaite aussi avoir recours à de nouvelles installations afin de porter à 4 GW la part de nucléaire dans le mix énergétique national. Pour faciliter et accélérer la construction de nouveaux réacteurs, le nouveau gouvernement entend notamment "lever tous les obstacles", à commencer par l'abrogation de la loi de sortie du nucléaire de 2003.
Dans cette perspective, la coalition Arizona a également annoncé qu'elle soutiendrait la création d'un consortium international en vue de construire un petit réacteur modulaire (SMR) de démonstration de quatrième génération sur le territoire belge. Les installations de type SMR sont envisagées par plusieurs pays, dont la France mais aussi la Chine ou encore les Etats-Unis, afin d'électrifier des sites industriels ou produire de la chaleur. Ces équipements sont pour certains des versions réduites des réacteurs à eau pressurisée mais nombre sont encore au stade du démonstrateur.
Premier importateur d'électricité française en 2024
L'année dernière, la Belgique a largement profité des exportations françaises d'électricité comme l'ensemble des pays frontaliers de l'Hexagone. Selon le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE, la France affichait un solde positif de 27,2 TWh avec la Belgique et l'Allemagne devant l'Italie (+22,3 TWh), le Royaume-Uni (+21 TWh), la Suisse (+16,7 TWh) ainsi que l'Espagne, dans une moindre proportion (+2,8 TWh).
Depuis la guerre en Ukraine, l'Europe a perdu son approvisionnement en gaz russe bon marché et subit un coût de l'énergie très supérieur à ses concurrents internationaux. Pour sauver son industrie, l'Union européenne doit réduire sa dépendance aux énergies fossiles.
"Nous devons développer davantage notre production d'énergie issue de sources renouvelables, et, dans certains pays, du nucléaire", a déclaré fin janvier à Davos Ursula von der Leyen, reconnaissant le rôle de l'atome longtemps tabou à Bruxelles.