Energie: comment les mesures de soutien limitent les inégalités face à l'inflation

Des prix mondiaux multipliés par deux depuis début 2021 pour le pétrole, par quatre pour le charbon, par près de sept pour le gaz naturel... La flambée des prix de l'énergie affecte durement le pouvoir d'achat des ménages en Europe. Selon une étude menée par la directrice adjointe du département Europe du FMI, ce choc qui s'est diffusé aux prix d'autres biens et services conduira à une hausse moyenne du coût de la vie d'environ 7% en 2022 au sein du Vieux continent.
Rien de bien surprenant. La hausse des prix, en particulier de l'énergie dans le cas présent, provoque une baisse du revenu réel des ménages: à revenu identique, un consommateur ne pourra pas acheter autant de carburant en 2022 qu'en 2021. Dans plusieurs pays européens, les gouvernements ont tenté de limiter l'impact de ce choc énergétique en compensant en partie la perte de revenu réel par des aides sous la forme de contrôles des prix, de subventions ou de réductions d'impôts. C'est ce qui a été fait en France avec le bouclier tarifaire et la remise carburants de 18 centimes.
Un impact atténué par les aides des gouvernements
Dans les pays où elles ont été mises en place, ces mesures ont permis de réduire les inégalités entre les plus modestes et les plus riches face à l'inflation. En France, en Suède ou en Finlande, la hausse du coût de la vie liée à la flambée des prix de l'énergie est quasiment de même ampleur pour les 20% les plus modestes et les 20% les plus riches, aux alentours de 4%.
La situation est tout autre dans les pays qui se sont montrés moins généreux. Au Royaume-Uni où les ménages n'ont pas reçu d'aides exceptionnelles aussi fortes pour encaisser l'envolée des prix, l'augmentation du coût de la vie est estimée à 16% pour les ménages les plus pauvres, contre 7% pour les plus aisés. En Estonie, elle est de 25% pour les premiers et de moins de 15% pour les seconds.
De fait, sans mesure de protection, les ménages modestes sont les plus exposés à l'augmentation des prix de l'énergie puisqu'ils consacrent une part plus importante de leur budget pour faire le plein ou payer leurs factures d'électricité ou de gaz.

Compte tenu de l'importante perte de pouvoir d'achat subie par les plus pauvres au Royaume-Uni ou en Estonie, le FMI estime que "la mise en place de mesures d'aide pour soutenir les ménages à faible revenu, qui ont moins de moyens pour faire face à la flambée des prix de l'énergie, est une priorité".
Le FMI préconise des aides plus ciblées
L'institution monétaire se montre en revanche critique à l'égard des pays, comme la France, qui ont choisi de mettre en place des aides profitant aussi bien aux plus riches qu'aux plus pauvres: "Les décideurs politiques devraient s'éloigner résolument des mesures générales pour adopter des politiques d'aide ciblées, notamment une aide au revenu pour les plus vulnérables". Cette solution visant à compenser intégralement l'augmentation du coût de la vie pour les 20% les plus modestes serait bien moins coûteuse: de l'ordre de 0,4% du PIB en moyenne, contre 1,5% aujourd'hui avec des dispositifs de soutien non ciblés.
Le FMI rappelle de surcroît que ces aides généralisées contribuent à maintenir les prix à un niveau élevé et est en contradiction avec les injonctions à faire des économies d'énergies et à se passer des énergies fossiles:
"Jusqu'à présent, les décideurs politiques européens ont réagi à la flambée des prix de l'énergie principalement par des mesures générales de suppression des prix, notamment des subventions, des réductions d'impôts et des contrôles des prix. Mais la suppression de la répercussion sur les prix de détail ne fait que retarder l'ajustement nécessaire au choc énergétique en réduisant les incitations pour les ménages et les entreprises à économiser l'énergie (...). Elle maintient la demande mondiale d'énergie et les prix plus élevés qu'ils ne le seraient autrement".
"Avec des prix de l'énergie susceptibles de rester au-dessus des niveaux d'avant-crise pendant un certain temps, l'Europe doit s'adapter à des factures d'importation plus élevées pour les combustibles fossiles", poursuit le FMI qui appelle à ce que "la totalité de l'augmentation des coûts" de ces énergies "soit répercutée sur les utilisateurs finaux afin d'inciter aux économies d'énergies et à l'abandon des combustibles fossiles". En clair, laisser faire le marché, tout en soutenant "les ménages à faible revenu qui souffrent le plus de l'augmentation des factures énergétiques".
L'ONU plaide pour une taxe sur les "super-profits"
Comme le FMI, l'ONU plaide pour des mesures de soutien ciblés sur les plus modestes. Mais le secrétaire générale des Nations unies, Antonio Guterras a également appelé à taxer les "super-profits" des compagnies pétrolières alors que les profits cumulés des cinq plus grosses entreprises du secteur (TotalEnergies, Shell, Exxon, Chevron et BP) se sont établis à 62,5 milliards de dollars au deuxième trimestre:
"Il est immoral que les sociétés pétrolières et gazières réalisent des profits records grâce à la crise énergétique actuelle sur le dos des plus pauvres, à un coût énorme pour le climat" écrit le Portugais sur Twitter. "J'exhorte tous les gouvernements à taxer ces profits excessifs et à utiliser les fonds pour soutenir les personnes les plus vulnérables."
De son côté, le FMI n'évoque pas l'idée d'une taxe sur les super-profits des entreprises pour financer les aides énergétiques aux plus vulnérables. L'institution se dit seulement peu favorable à la mise en place de régime de soutien aux entreprises, sauf pour celles qui seraient menacées de faillite à court terme en raison de la flambée des prix de l'énergie.