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L'image "d'acteur nucléaire majeur" de la Russie mise à mal: quels sont les avions stratégiques russes détruits par les drones ukrainiens?

Deux avions russes de type Tupolev Tu-22M3, un bombardier pouvant être amené à larguer des ogives nucléaires, le 9 février 2022.

Deux avions russes de type Tupolev Tu-22M3, un bombardier pouvant être amené à larguer des ogives nucléaires, le 9 février 2022. - HANDOUT / RUSSIAN DEFENCE MINISTRY / AFP

Selon le service de sécurité ukrainien, plusieurs dizaines d'avions stratégiques russes auraient été détruits lors de l'attaque de drone perpétrée en Russie dimanche. Des modèles datant de la Guerre froide mais dont la perte touche l'image de la puissance aérienne russe.

Une action stratégique et impressionnante, préparée depuis plus d'un an. L'opération "toile d'araignée" de l'armée ukrainienne a vu des essaims de drones, acheminés dans la plus grande discrétion, se déployer loin de frontières ukrainiennes, pour aller détruire des avions russes stationnés sur leurs bases respectives.

Le service de sécurité ukrainien affirme avoir déployé une centaine de drones, qui auraient détruit 41 avions, dont des bombardiers stratégiques Tu-95 et Tu-22M3 et des avions radar A-50. Kiev a évalué les dégâts à au moins 2 milliards de dollars, selon un responsable des services de sécurité cité par Bloomberg qui a requis l'anonymat, les détails n'étant pas publics.

Selon les données compilées par Flightglobal, avant cette attaque, les forces aériennes russes possédaient 57 Tu-22 et 47 Tu-95.

Une "perte sèche" pour l'aviation russe

Cette attaque minutieusement préparée et coordonnée a principalement touché l'aviation à long rayon d'action, à savoir les bombardiers stratégiques Tu-22M3 et Tu-95MS. Des avions régulièrement utilisés pour les raids à longue distance, le Tu-22 affichant un rayon d'action d'environ 2.400 km, plus de 10.000 km pour le Tu-95.

"C'est une perte sèche pour l'aviation russe, car ces avions ne sont plus produits", explique un spécialiste de l'aéronautique militaire à BFM Business.

Les chaînes de production ont en effet été fermées il y a des années, le maintien en condition opérationnelle de vieux avions se révèle un casse-tête logistique et se heurte à la pénurie de pièces détachées et de rechange.

Même si certains appareils ne volaient sans doute déjà plus, la destruction de ces avions est un coup dur pour l'image de l'aviation russe et le statut de grande puissance de la Russie. L'opération ukrainienne "érode les capacités stratégiques" et met à mal "la possibilité de se présenter comme un acteur nucléaire majeur", poursuit le spécialiste.

Des avions de la Guerre froide

Conçu et développé pendant la Guerre froide par Tupolev, le Tu-22M3 "Backfire" (son nom de code Otan) est une version modernisée du Tu-22, capable d'emporter jusqu'à trois missiles supersoniques antinavires Kh-22. Opéré par un équipage de quatre personnes, il vole depuis les années 1970.

L'avion a notamment été déployé en Syrie ces dernières années, mais l'appareil est victime de l'obsolescence de ses équipements embarqués. Un programme de modernisation mené par Tupolev a permis de porter l'avion au standard Tu-22M3M, dont le premier vol a eu lieu en 2018. Il est ainsi capable d'emporter la version modernisée du Kh-22, le Kh-32, qui dispose d'une portée et d'une vitesse supérieures (rayon d'action de plus de 1.000 km et vitesse jusqu'à Mach 5), selon Army Recognition.

Le Tu-95MS "Bear", également produit sous l'ère soviétique, a fait l'objet de modernisations successives. Le quadrimoteur à hélices contrarotatives à long rayon est opéré par un équipage de sept personnes. Il emporte notamment des missiles de croisière Kh-555 et Kh-101.

Des Tu-95 ont été aperçus à quelques reprises au large des côtes européennes il y a presque 10 ans. Une "démonstration de puissance" de la part de la Russie, qui avait valu aux avions européens de décoller pour suivre leur trajectoire.

Autre appareil cité parmi les potentielles pertes russes, l'A-50 de Beriev. L'avion radar, appelé "Mainstay" par l'Otan, peut également servir de centre de contrôle et de commandement aéroporté. Un avion stratégique pour les opérations aériennes, mais dont la flotte a été réduite par de précédentes frappes ukrainiennes en 2024, selon Forbes, qui indique qu'il n'en resterait que huit exemplaires.

Helen Chachaty