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Défense

Elle n'est ni dans l'Otan, ni dans l'UE mais la Suisse (qui se réarme aussi) veut se rapprocher des Européens pour se protéger

Le drapeau suisse flottant à Saint-Moritz le 21 décembre 2024

Le drapeau suisse flottant à Saint-Moritz le 21 décembre 2024 - Fabrice COFFRINI / AFP

Sans remettre en cause sa neutralité, la Suisse veut se rapprocher de l'Union européenne pour renforcer les liens en matière de défense et de sécurité.

Développer les partenariats de défense tout en préservant sa neutralité: la Suisse avance à marche forcée dans un contexte international tendu.

Le gouvernement suisse souhaiterait conclure un partenariat de sécurité et de défense avec l'Union européenne, a-t-il annoncé mercredi, affirmant que cela n'irait pas à l'encontre de sa neutralité.

Cette annonce intervient deux jours après la signature d'un tel accord entre l'UE et le Canada, et le jour même où s'ouvre un sommet de l'Otan, organisation dont ne fait pas partie la Suisse.

Lors de sa séance du jour, le Conseil fédéral (gouvernement) "a décidé d'entamer des discussions exploratoires avec l'UE au sujet d'un partenariat de sécurité et de défense", a-t-il indiqué dans un communiqué.

"Par le biais de ces partenariats, l'UE offre aux États tiers un cadre permettant de renforcer la collaboration dans ce domaine", explique le Conseil fédéral, qui espère lancer ces discussions avec Bruxelles "dès que possible".

La Grande-Bretagne a signé un partenariat de défense similaire en mai, et l'Australie et l'UE ont annoncé la semaine dernière qu'elles avaient entamé des négociations en vue d'un autre partenariat.

Selon le gouvernement suisse, un tel partenariat est "une condition essentielle à la réalisation d'acquisitions communes dans le domaine de l'armement". Il estime par ailleurs qu'il serait "compatible avec le principe de neutralité de la Suisse et peut l'aider à renforcer sa capacité de défense". Les déclarations d'intention sont non-contraignantes d'un point de vue juridique.

Le département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) indique pour sa part que "la Suisse a tout intérêt à renforcer sa coopération avec l'UE, notamment dans le domaine de l'armement".

"Il est aussi important de rétablir la confiance pour que la Suisse soit intégrée aux coopérations en matière d’armement et aux chaînes d’approvisionnement internationales, continuant ainsi à avoir accès aux armements étrangers."

Nichée au cœur de l'Europe, la Suisse ne fait pas partie de l'UE, ni de l'Otan. Le budget de défense pour l'année 2025 a été revu à la hausse, à 1,7 milliard de francs suisses (1,8 milliard d'euros), avec l'objectif d'atteindre 1% du PIB d'ici 2032.

Les tensions géopolitiques mondiales, en particulier la guerre en Ukraine, font naître chez les Suisses le désir d'une coopération plus importante avec l'Otan, selon un sondage publié le 17 juin par le Département fédéral de la Défense.

Selon ce sondage, 53% des personnes interrogées étaient en faveur d'un rapprochement avec l'Otan, tandis que 32% soutenaient une adhésion de la Suisse à cette organisation.

Nouvelle stratégie en matière d'armement

Une semaine plus tôt, le Conseil fédéral a approuvé la stratégie en matière de politique d'armement, la première du genre. Elle doit permettre de "maintenir la base industrielle indispensable à la défense (…) et renforcer l'ensemble de la base technologique et industrielle importante pour la sécurité", ainsi que favoriser la R&D et l'innovation.

Un des objectifs est d'augmenter la part des retombées industrielles et économiques (offsets): "à l'avenir, 60% du volume d'acquisition d'armement devra, si possible, être réalisé en Suisse", mais aussi de se rapprocher des pays limitrophes/européens et de parvenir à "retrouver son statut de fournisseur fiable aux yeux des États européens".

Cette stratégie industrielle vise par ailleurs à faire de la Suisse un pays "plus attrayant en tant que partenaire international".

"C’est uniquement si la Suisse est en mesure de proposer des biens et des services liés à l’armement qui répondent aux besoins d’autres États que ceux-ci seront à l’avenir disposés à coopérer avec elle dans le domaine de l’armement."

L'industrie helvète de l'armement souffre d'un déficit d'intérêt de la part partenaires internationaux, notamment en raison d'une politique très stricte d'exportation. C'est cette règle qui a par exemple décidé l'Allemagne de renoncer à se procurer des équipements fabriqués en Suisse, suite au veto posé à la demande de ré-export vers l'Ukraine, expliquait RTS en mars.

Selon les données du Secrétariat d’État à l’économie Secrétariat d’État à l’économie (SECO), en 2024, les entreprises suisses ont exporté pour 664,7 millions de francs suisses vers 60 pays (soit environ 710 millions d'euros), en baisse d'environ 5% par rapport à l'année précédente. L'Allemagne reste cependant le 1er pays importateur d'équipements de défense produits en Suisse (203,8 millions de francs suisses), loin devant les États-Unis (76,1 millions).

Les grands noms d'industriels suisses engagés dans la production d'armement comprennent notamment Mowag (véhicules, filiale de General Dynamics), Pilatus (avions), Sig Sauer (armes à feu) et surtout RUAG (munitions), détenu par la Confédération et qui fait l'objet d'enquêtes pour fraudes et problèmes de gestion.

Helen Chachaty avec AFP