Drones, lance-roquettes "made in France": partie de rien en 2011, la "start-up" Turgis & Gaillard bouscule aujourd'hui les gros de l'armement

Le groupe sait faire le "buzz": après avoir dévoilé son drone Aarok lors de la dernière édition du Salon du Bourget en 2023, Turgis & Gaillard récidive en 2025, en présentant son nouveau projet, un lance-roquettes baptisé Foudre, qui sera exposé sur le stand de son constructeur.
La startup créée en 2011, par Fanny Turgis et Patrick Gaillard, est devenue aujourd'hui une ETI (entreprise de taille intermédiaire) employant plus de 400 personnes et qui revendique un chiffre d'affaires de 75 millions d'euros.
Les deux acolytes se sont rencontrés lors de leurs études en sciences politiques et relations internationales et ont basé leur siège social à Neuilly. La première est ancienne commandante de la réserve citoyenne à la Légion Etrangère et diplômée de l’Ecole de Guerre. Le second a débuté sa carrière professionnelle dans l’administration, en tant que collaborateur politique, avant de rejoindre le ministère des Armées.
Des rachats pour s'implanter dans le secteur
Initialement fondé en tant que bureau d'études, Turgis & Gaillard lance ses activités défense avec le projet Gerfaut, soutenu par le groupe de défense Arinc: un système d'emport d'armement qui permet d'améliorer les avions de transport vieillissants C-130H en le dotant d'une capacité de frappe.
"En 2013, Arinc Technologies et son président Martial Mignet nous ont fait confiance autour du projet Gerfaut et nous ont soutenus pendant trois ans, pour nous introduire dans le milieu de la défense", explique à BFM Business Fanny Turgis, présidente du groupe.
A la question de savoir s'il est difficile d'intégrer la base industrielle et technologique de défense (BITD), Fanny Turgis répond par la positive… et par la négative.
"Ce n'est pas facile, surtout quand on part de rien en capital financier, mais nous avons eu de la chance que des banques locales nous fassent confiance lorsque nous avons réalisé notre premier rachat de société, et nous avons pu bénéficier d'une aide financière par la BPI par la suite pour nos acquisitions."
Si le projet Gerfaut n'aboutit pas, Turgis & Gaillard poursuit son développement dans la BITD française.
"Nous avons procédé à un 'build-up' successif au fil de l'eau", poursuit Fanny Turgis, "nous avons effectué une croissance externe très rapide avec des acquisitions de sociétés".
Le rachat en 2015 de l'entreprise Sefiam, spécialisée dans les équipements pour les secteurs de l'aéronautique et de la défense, permet à Turgis & Gaillard de s'implanter encore davantage dans le secteur. Un an plus tard, c'est au tour de Modelage mécanique du Dauphiné, qui produit des pièces aéronautiques, d'être intégré au groupe. A l'heure actuelle, Turgis & Gaillard est un groupe composé de neuf sites industriels, répartis sur le territoire.
Maintenance et production
Turgis & Gaillard se développe sur des segments qui lui permettent de s'implanter durablement sur les bases militaires, notamment pour des opérations de maintenance industrielle ou de maintenance d'infrastructures militaires, tels que des dépôts de munitions ou des bases aériennes.
En parallèle de ces activités, le groupe se lance dans des projets de développements et dévoile donc en 2023 le drone MALE (moyenne altitude longue endurance) Aarok, présenté comme un complément au programme européen Eurodrone, qui est lui empêtré dans de tels retards qu'il pourrait être déjà obsolète au moment de sa livraison (pour l'heure estimée à 2031, selon un récent rapport d'information de l'Assemblée nationale).

Développé dans le plus grand secret, l'Aarok a fait le buzz lors de la précédente édition du Salon du Bourget. "C'est une aventure industrielle", fait valoir Fanny Turgis. Le drone devait effectuer son premier vol avant cette édition du salon du Bourget, une échéance manquée, mais il a tout récemment effectué ses essais de roulage à grande vitesse, l'ultime étape avant le vol inaugural.
Même façon de procéder pour le Foudre, ce lance-roquettes multiple dévoilé en mai dernier, dont Turgis & Gaillard fait la promotion pour remplacer rapidement les lance-roquettes unitaires qui arriveront en fin de vie à l'horizon 2027.
Si les deux projets ont suscité l'intérêt, autant en France qu'à l'étranger, à l'heure actuelle, les commandes se font attendre. Le groupe reste confiant et affiche son ambition: "être à l'avant-garde du combat connecté".

Fanny Turgis confirme que le groupe va garder sa double casquette, en étant présent à la fois dans la maintenance industrielle mais aussi sur le développement d'une capacité de production en propre, pour s'organiser industriellement dans le cadre de l'économie de guerre. Un sujet d'actualité, alors que se multiplient les appels à produire de l'armement en France et en Europe, pour s'affranchir autant que faire se peut de la dépendance américaine.