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Coronavirus: pour fabriquer un vaccin, les chercheurs risquent de manquer de souris

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Dans la course au vaccin contre le coronavirus, certains groupes pharmaceutiques pourraient avoir du mal à se procurer des modèles génétiquement modifiés qui mettent du temps à être développés.

La course au vaccin est lancée. Partout dans le monde, de nombreux laboratoires travaillent pour apporter une réponse efficace à l’épidémie de coronavirus. Mais ils pourraient se heurter à un problème de taille: le manque de souris.

En effet, tout vaccin doit d’être testé sur un animal -des rongeurs dans la grande majorité des cas- avant d’être injecté à l’homme. Pour ce faire, les souris reçoivent un gène provenant du génome humain en lieu et place d'un de leur propre gène. Le manque de modèles génétiquement modifiés pourraient cependant ralentir la recherche. "Presque personne n'a ces souris [...] à l'heure actuelle", constate auprès de Bloomberg Stanley Perlman, professeur à la faculté de médecine de l'Université de l'Iowa. 

"On ne pourra pas satisfaire tout le monde. Il y a un vrai souci d’approvisionnement. On servira nos clients en priorité", confirme Alexandre Fraichard, Directeur général délégué de genOway, une société de biotechnologie proposant un catalogue comptant plusieurs modèles de recherche.

Deux ans pour développer un nouveau modèle

L’entreprise lyonnaise qui travaille surtout avec de grands groupes pharmaceutiques américains a commencé il y a plusieurs mois à développer des modèles humanisés plus adaptés et performants susceptibles d’être utilisés pour tester un potentiel vaccin.

Mais ces derniers ne seront pas disponibles avant la fin de l’année. Car la création de nouveaux modèles prend du temps: comptez environ deux ans avant qu’ils ne soient disponibles. Et les laboratoires qui ont des modèles adéquats prêts à l’emploi se font rares. Autrement dit, L’hypothèse d’un vaccin dans les mois qui viennent n’est pas réaliste.

"On n'est pas une usine d'iPhone"

Cette augmentation brutale de la demande de souris génétiquement modifiées "est propre à tout événement assez soudain, comme le SRAS en 2003", précise Alexandre Fraichard. L’objectif pour son entreprise est donc de "raccourcir les délais". "La disponibilité des modèles fait gagner un temps fou aux groupes pharmaceutiques. Plus on peut aller vite, plus ils pourront tester rapidement sur l’animal", ajoute-t-il.

Seulement voilà, les capacités de production des laboratoires comme genOway sont forcément limitées: "On n’est pas une usine d’iPhone", ironise le directeur général de l’entreprise qui travaille en partenariat avec l’institut Pasteur.

Cela ne l’empêche de s’organiser pour gagner en efficacité. En 2018, genOway a décidé d’axer sa stratégie sur le développement d’un catalogue de modèles de recherche régulièrement enrichi, plutôt que de les fabriquer à la demande. Cela permet notamment de mettre rapidement en accès les modèles, en réduisant à 2 mois le temps d’attente contre 2 ans environ pour le sur-mesure.

En moyenne, un groupe pharmaceutique lui achète entre 50 et 100 animaux au prix de 100 à 500 euros l’unité. Le choix de tel ou tel modèle par le client "dépend de la pathologie sur laquelle il veut travailler et de la stratégie scientifique choisie", indique Alexandre Fraichard, soulignant l’importance de "créer des modèles qui ont un intérêt large" pour l’industrie de la recherche.

Paul Louis