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Entre numérique et agences de proximité, le dilemme stratégique des banques françaises

Société Générale va fusionner son réseau d'agences avec celui de sa filiale Crédit du Nord

Société Générale va fusionner son réseau d'agences avec celui de sa filiale Crédit du Nord - AFP

[AVIS D'EXPERT] Les banques de détail tentent de rationaliser leurs réseaux d'agences, tout en accélérant sur le numérique. Mais les clients ont du mal à changer leurs habitudes. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Société Générale a récemment dévoilé son plan de fusion de ses réseaux de banque de détail en France avec ceux du Crédit du Nord. L’ensemble sera restructuré en 2023 sous une seule marque ombrelle "SG", déclinée en onze entités régionales et représentera ainsi un redéploiement de marque assez nouveau en France dans le domaine bancaire.

Annoncée il y a seize mois, alors que les résultats du groupe Société Générale étaient en berne, cette fusion paraissait alors surtout défensive. Il s’agissait avant tout, semblait-il, de réduire les coûts. Avec la récente annonce et dans un contexte où, venant de perdre sa filiale russe, Société Générale se retrouve de fait reconcentrée sur le marché français, les perspectives paraissent bien plus stratégiques.

Il s’agit d’abord de supprimer les doublons en termes de systèmes et de points de vente (quand 60% des agences des entités du Crédit du Nord se situent à moins d’un kilomètre d’une agence Société Générale). Le développement de la banque numérique va en effet réclamer d’importants investissements et il n’y aurait aucun sens ainsi à maintenir deux réseaux autonomes.

Mais, profitant de la complémentarité des clientèles et des forts ancrages locaux du groupe Crédit du Nord (au sein duquel Courtois & Cie, créée en 1760, est la plus vieille banque encore en activité en France), il s’agit aussi bien de doter la banque de détail de Société Générale d’une assise régionale assez nouvelle.

Cultiver proximité physique et digitale

En deux mots et d’un même mouvement, l’enjeu est de reconfigurer une banque conjuguant proximité physique et digitale. Cela suffira-t-il cependant pour faire face à un dilemme que toutes les banques de détail affrontent, particulièrement en France?

Aujourd’hui, en effet, les banques sont soumises à deux temporalités distinctes et contradictoires. D’un côté, la banque numérique accélère, créant de nouveaux usages et voyant sans cesse émerger de nouveaux acteurs, ce qui suppose, pour rester dans la course, de gros investissements. Mais, de l’autre côté, les comportements des clients évoluent très lentement sur le fond, ce qui permet peu de réduire les dispositifs classiques de vente et de traitement.

Selon une enquête de Panorabanques publiée en avril, 6% des Français ont leur compte principal dans une banque en ligne et 1% dans une néobanque. Ces chiffres sont faibles, très faibles même si on les compare à d’autres pays et si l’on considère que les banques en ligne sont apparues il y a vingt ans. Surtout, ces chiffres n’ont pas bougé depuis cinq ans!

Une stratégie incomplète

Aujourd’hui, il faut tout à la fois permettre aux clients de s’entretenir avec leur chargé de compte en visioconférence (près de la moitié des établissements français le proposent désormais) et maintenir un nombre important d’agences. Cela illustre bien l’entre-deux coûteux dans lequel se retrouvent les banques de détail. Une situation qui pourrait se révéler assez ruineuse, en tous cas paralysante, si elle devait durer.

Face à cette situation, les banques françaises demeurent à ce stade plutôt dans l’expectative. Elles s’efforcent de réduire ce qui peut l’être, sans bouleversements majeurs. La nouvelle "SG" verra ainsi, d’ici 2025, son réseau se réduire de 2.100 à 1.450 agences. Ce qui est significatif mais ce qui peut paraitre encore beaucoup à cet horizon.

Pourtant, les banques pourront-elles éviter d’accélérer la mutation de leur propre modèle? Ne devront-elles pas s’efforcer de faire évoluer les comportements de leurs clients plus rapidement qu’ils ne le font aujourd’hui? De ce point de vue, la stratégie de la nouvelle "SG" paraît incomplète dans la mesure où elle ignore l’un des piliers essentiels de la banque de détail de Société Générale. Celle-ci, en effet, peut-elle vraiment engager un redéploiement de ses marques qui ne concerne pas Boursorama et ne l’intègre pas pleinement à l’ensemble?

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor