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Dans la course aux brevets, les banques américaines écrasent leurs concurrentes européennes

Bank of America a déposé plus de 700 brevets en 2022

Bank of America a déposé plus de 700 brevets en 2022 - Dominique Reuter - AFP

[AVIS D'EXPERT] Pour faire face aux géants du numérique, les banques américaines investissent énormément en R&D et déposent des brevets à tour de bras. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Avec 5837 brevets déposés, Bank of America – qui annonce investir plus de dix milliards de dollars par an dans l’innovation - occupe le premier rang parmi les banques internationales. Et, sur son site, Bank of America se félicite d’avoir en 2022 augmenté de 19% son nombre de brevets déposés. Un record.

Par grandes catégories, les brevets déposés par l’établissement en 2022 concernent la protection des données (27%), l’application de l’intelligence artificielle (21%), les technologies de programmation (17%), les paiements (14%), la banque mobile (11%) et l’analyse de données (6%). Ces différents brevets ont mobilisé au total plus de 6700 inventeurs répartis dans 42 États américains et 14 pays. Et 26% de ces inventeurs sont des femmes contre 17% en moyenne dans le monde des brevets. Parmi elles, Victoria Dravneek, issue de la fintech, a déposé à elle seule 52 brevets, qui couvrent des catégories aussi diverses que la lutte contre la fraude ou la personnalisation des interfaces client.

Toutefois, si l’on consulte la liste des 300 premiers déposants auprès de l’Intellectual Property Owners Association américaine, on constate que Capital One a déposé encore plus de brevets que Bank of America en 2022. L’année dernière, cette banque était au 59e rang parmi les déposants avec 708 brevets (-1% par rapport à 2021), assez loin devant Bank of America (75e) avec 608 brevets et Wells Fargo, 109e au plan national, avec 403 brevets (-4%).

Concurrence des Big Tech

Pour des banques ces chiffres sont considérables – surtout si on les rapporte à ceux des banques françaises et plus largement européennes. Aucune banque française ne figure par exemple dans le dernier top 50 des premiers déposants établi par l’INPI. L'Office européen des brevets (OEB) recense une quarantaine de brevets pour BNP Paribas, la plus grande banque d'Europe, en 2021 et une vingtaine en 2022.

Bien entendu, on trouvera toujours des experts pour nous expliquer qu’il faut relativiser, que les contextes sont différents, comme les règles en matière de propriété intellectuelle. Et c’est certainement le cas. Toutefois, le gap est tel que l’on peut se demander si l’on parle désormais bien de la même chose quand on dit "banque" des deux côtés de l’Atlantique.

Il est très frappant de constater que l’innovation technologique, ainsi que la volonté de s’y distinguer, autant que d’en rester maître, sont vues comme des enjeux essentiels pour les grandes banques américaines, notamment face aux Big Tech. En regard, force est de constater qu’il n’en va pas de même en Europe (avec quelques exceptions toutefois, comme BBVA). C’est sans doute en bonne partie une question de culture, ainsi que de formation et de parcours des dirigeants des établissements européens. Cependant, peut-on vraiment imaginer que tout cela n’engage pas à moyen voire à assez court terme l’avenir du secteur bancaire dans son ensemble?

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor