Vous prenez des frites à la cantine? Peut-être un mauvais signe: cette société analyse les repas des salariés pour prévenir le mal-être au travail

Gâteaux (image d'illustration). - Ashley Crowden / AFP
Un gâteau plein de crème et des frites ou une assiette équilibrée accompagnée d'un fruit? Et si les choix alimentaires des salariés disaient quelque chose de leur moral?
"J'ai un client qui tente de prédire l'humeur de ses équipes grâce aux repas de la cantine", témoigne la consultante Sandrine Evangelista, qui accompagne les dirigeants de PME à développer leur croissance.
"C'est intéressant car c'est un marqueur sous-jacent: cela permet de détecter ce qu’on ne verrait pas sinon (ou beaucoup trop tard)."
C'est elle qui a suggéré l'idée à ce chef d'entreprise, qui souhaite rester anonyme. "Il faut faire attention, ce n'est absolument pas une manière d'espionner et encore moins de juger les salariés, les données sont évidemment anonymisées", explique-t-elle.
"L'idée est d'essayer au maximum de prédire en avance les problèmes." Selon elle, les entreprises manquent d'indicateurs pour apprécier le moral de leurs salariés. "Or le pillier de la croissance, ce sont les salariés, comment savoir s'ils sont encore motivés, s'ils sont confrontés à une perte de sens?"
Ne pas attendre d'arriver dans le rouge
Bien-sûr, il existe des outils: il y a les entretiens annuels mais comme leur nom l'indique, ils n'interviennent qu'une fois par an. Les dirigeants peuvent aussi s'appuyer sur le ressenti des manageurs ou les enquêtes de satisfaction menées auprès des salariés.
Enfin, les entreprises peuvent regarder le taux d'absentésime ou même les procès aux prud'hommes. "Mais, quand on en est là, c'est vraiment beaucoup trop tard, il ne faut pas arriver au conflit ou à l'arrêt maladie pour essayer de régler les problèmes!", plaide Sandrine Evangelista.
Les entreprises sont donc souvent en recherche de "signaux faibles" ou de "facteurs anticipatifs". La supposition de cette consultante est donc simple: "Si la consommation d'aliments sucrés ou gras augmente, c'est peut-être le signe d'une baisse de moral des salariés et d'un climat social en berne", explique Sandrine Evangelista.
"Cela peut traduire un besoin de se réconforter."
Une étude menée par des chercheurs en psychologie de l'Université du Kansas, et publiée dans la revue Medical Hypotheses, a par exemple montré que la dépression hivernale était associée à "un goût irrésistible pour le sucre". Toujours selon cette étude, cet état mental "pousse à avoir envie de glucides" parce qu'"ils ont un effet immédiat d'élévation de l'humeur" même si à longtemps ils peuvent "réduire le bien-être".
Chou à la crème et absentéisme, burger et ambiance d'équipe... à la recherche de corrélations
Dans leur expérimentation, Sandrine Evangelista et le dirigeant de l'entreprise ont décidé d'observer les récurrences entre les repas choisis à la cantine par les 300 salariés et plusieurs indicateurs.
Ils sont en train d'observer les corrélations avec l'absentéisme, avec la météo (qui, ont le sait, a un impact sur le moral), avec le climat social perçu par les magageurs dans le reporting qualitatif, avec les résultats de l'enquête de satisfaction remplies par les salariés, l'ambiance dans les équipes...
Dans un objectif de prévention, ces analyses doivent permettre "de détecter les périodes difficiles", "d'identifier les services en souffrance" et "de mettre en place des actions ciblées". Selon Sandrine Evangelista, l'idée a été très bien accueillie par les salariés et leurs représentants.
"Les employés et le patron se connaissent, c'est une petite entreprise, beaucoup viennent de la tech, ils ont un attachement à la donnée, la créativité et l'innovation font partie de leur ADN", assure-t-elle.
"Évidemment, ce genre d'expérience ne pourrait pas être menée partout, reconnait la consultante. Mais là c'est possible car il y a une confiance entre les salariés et le dirigeant."