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Union européenne

Quand le Brexit fait trembler le marché de l’art

Sainsburry Gallery

Sainsburry Gallery - Justin TALLIS / AFP

Craignant une rupture brutale entre le Royaume-Uni et l'Union européenne le 29 mars dernier, le marché de l'art britannique a accéléré les échanges d'oeuvres avec l'étranger, anticipant le rétablissement des droits de douanes.

Le Brexit va-t-il compromettre l’organisation de grandes expositions en Europe? Face aux rebondissements à répétition qui renforcent l’incertitude autour de la date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le marché de l’art britannique a sonné l’alerte. Pour limiter les désagréments, les musées et galeries d’outre-Manche ont anticipé les échanges d’œuvres d’art avec l’étranger ces dernières semaines.

Car le divorce entre Londres et Bruxelles, initialement prévu le 29 mars, avait fait craindre l’entrée en vigueur de droits de douanes pour importer des œuvres d’art. Les États-membres appliquent en effet des taxes à l’importation avec les pays tiers allant de 5,5% en France, à 10% en Italie, sur ce type de pièces rappelle Le Monde. Ajouté à cela, le rétablissement des contrôles aux douanes qui aurait pu ralentir considérablement leur entrée sur le continent.

Le monde de l'art britannique en alerte

Personne n’étant en capacité de prédire à ce moment-là que le Brexit serait reporté au mois d’octobre, de nombreux établissements et artistes britanniques ont pris leurs précautions. Le British Council, organisme chargé de promouvoir la culture britannique dans le monde, a envoyé en Italie, "bien avant la date limite du 29 mars", toutes les œuvres de Cathy Wilkes, qui représentera le pavillon britannique à la Biennale de Venise, "pour éviter toute perturbation éventuelle", selon le magazine The Art Newspaper. L’événement culturel, lui, ne débutera que le 11 mai.

Les organisateurs du pavillon irlandais qui sera pour sa part représenté par l’artiste Eva Rotschild ont eux aussi accéléré le transfert de ses sculptures de son atelier londonien vers Venise pour éviter qu’elles ne soient bloquées dans les ports britanniques.

Kate MacGarry qui tient une galerie à Londres est même allée jusqu’à faire venir de Paris dès le mois de janvier des œuvres de l’artiste français Bernard Piffaretti alors qu’elle ne prévoit pas de les exposer avant octobre. "Je stocke. Je ne veux pas que ce soit la panique, alors je m’organise", explique-t-elle. La galerie Tornabuoni à Londres a quant à elle mis fin à son exposition de peintures d’Alberto Burri et Lucio Fontana deux semaines avant la date prévue pour les ramener en Italie au plus vite et éviter d’avoir à payer des taxes.

Les musées britanniques dans le flou 

Les musées britanniques sont tout aussi inquiets. Le Victoria and Albert Museum estime à 25 millions de livres la facture qu’il pourrait avoir à payer en cas d’introduction de taxes à l’importation. Il s’attend par ailleurs à une baisse de fréquentation lorsque le Brexit entrera en vigueur.

"L’organisation d’expositions de grande envergure tout en payant des droits d’importation serait vraiment problématique. […] C'est mauvais pour l'économie des visiteurs à Londres. Quatre visiteurs sur cinq à Londres viennent pour la culture et sont attirés par les grands musées et les expositions de renommée mondiale. C'est également potentiellement dommageable pour l'influence britannique à l'étranger", a déploré auprès du Evening Standard Tristam Hunt, directeur du Victoria and Albert Museum.

De son côté, la Void Gallery envisage de délaisser les artistes internationaux et de miser davantage sur le local.

Paul Louis