BFM Business
Social

TOUT COMPRENDRE - Pourquoi les maisons de retraite sont-elles si chères?

placeholder video
Le scandale qui secoue actuellement le groupe Orpea met une nouvelle fois en lumière le coût exhorbitant de ces structures privées pour les résidents et leurs familles. Un coût parfois difficile à justifier.

Plus de 2200 euros par mois en moyenne en Ile-de-France, mais des factures qui peuvent se hisser à 3000, 5000 voire 6000 euros par mois... Les tarifs très élevés des maisons de retraite du secteur privé en France ne sont pas une nouveauté.

Pour les personnes âgées, la facture médiane d’un Ehpad s’élevait en 2019 à 2004 euros par mois, d'après les données de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), qui est le gestionnaire de la branche autonomie de la Sécurité sociale. Selon une autre étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la santé (Drees), publiée en novembre 2018 à partir de données de 2016, le reste à charge médian pour les personnes âgées en maison de retraite (autrement dit le coût de l'établissement moins les allocations reçues) était de 1850 euros.

Mais alors que le groupe Orpea est au coeur d'une nouvelle polémique l'accusant de maltraitances, la question se pose à nouveau. Pourquoi ces structures sont-elles si onéreuses alors que les retraités résidant en France touchaient en moyenne en 2019 une pension de droit direct de 1503 euros brut par mois (1393 euros nets des prélèvements sociaux), là encore selon la Drees?

• Comment se décompose le prix d'une maison de retraite?

La facture mensuelle se divise en trois pans: soins, dépendance, et hébergement. Le tarif soins (25 à 30% des coûts de l'établissement) sert à payer le personnel infirmier et soignant. Il est pris en charge par l'assurance-maladie.

Le tarif dépendance (de 10 à 15%) couvre les frais liés à l'assistance des personnes en perte d'autonomie et peut être financé en partie par l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

Enfin, le tarif hébergement (60% du total) est entièrement payé par le résident.

D’après la Drees, le reste à charge médian d’une personne en Ehpad est de 1850 euros. Mais la fourchette varie fortement. "La participation financière médiane s’élève ainsi à 2420 euros dans les établissements privés à but lucratif, contre 1850 euros dans les établissements privés non lucratifs, 1790 euros dans les établissements publics hospitaliers et 1730 euros dans les établissements publics non hospitaliers", précise la Drees.

Bref, quand à l'hôpital, un patient paie 10% de la facture et l'assurance-maladie 90%, en maison de retraite un résident paie environ 60% du coût total. Résultat, "un résident sur trois déclare devoir puiser dans son épargne pour financer sa maison de retraite", souligne la Drees.

• Les charges fixes

Pour se justifier, les grands groupes qui exploitent les maisons de retraite comme Orpea ou Korian mettent en avant l'importance de leurs coûts fixes, essentiellement les salaires du personnel qui peuvent, selon eux, représenter jusqu'à 50% des budgets annuels. Et pourtant, de l'avis de nombreuses familles ou de personnels soignants, la plupart des établissements font face à un manque criant de personnels.

Autre charge financière lourde, l'amortissement du bâtiment soit notamment le remboursement des crédits immobiliers. Les établissements privés mettent ainsi en avant la grande superficie des chambres des résidents pour justifier un prix élevé.

• Les charges variables

C'est un autre argument pour expliquer les augmentations de prix pratiqués par certains établissements. La flambée des coûts de l'énergie a une conséquence directe sur la facture de gaz ou d'éléctricité, essentiellement pour le chauffage.

Dans ces charges variables, les opérateurs mettent également en avant les coûts importants de blanchisserie ou encore des repas qui doivent être équilibrés. La facture grimpe assez vite et la plupart des établissements font appel à des prestataires externes.

• La prise en charge d'une dépendance de plus en plus importante des résidents

Le nombre de Français de plus de 80 ans ne cesse d'augmenter en France et dans le même temps, le volume de personnes âgées touchées par des maladies dégénératives comme Alzheimer progresse également très vite.

Les maisons de retraite doivent alors s'adapter en proposant ou en renforçant des unités dédiées. Ce qui implique, en théorie, de recruter des personnels plus spécialisés et de proposer également des soins particuliers. Avoir un médecin à plein temps ou à mi-temps a un coût, expliquent les géants du secteur. Même si cette promesse faite aux familles n'est pas toujours une réalité dans les faits.

• Les prestations annexes

La facture pour les résidants peut encore gonfler de plusieurs centaines d'euros avec les prestations annexes.

Des prestations comme une télévision dans la chambre, le coiffeur, le téléphone et Internet, des produits de toilette, le lavage du linge... Avec des factures parfois pointées du doigt par les familles des résidents.

• Des disparités géographiques importantes

Le prix des maisons de retraite varie très fortement en fonction de la localisation. Selon les données de la CNSA, le prix mensuel médian d'une chambre individuelle en hébergement permanent oscille ainsi dans les grandes agglomérations de 1760 euros à Brest à 2.943 euros à Paris.

• Des listes d'attente pour les Ehpad publics

Si les établissements publics (environ 45% du parc) sont moins chers, il est très difficile d'y trouver une place. Les listes d’attente sont longues. Or, c'est souvent dans l'urgence que l'on doit trouver une place. D'où également le développement d'une offre privée.

La France comptait en 2019 près de 611.000 places en Ephad et assimilés, d'après une autre étude de la Drees. Pour faire face au vieillissement de la population, l'organisme estime qu'il faudra ouvrir 108.000 places de plus d'ici à 2030 puis 211.000 places de plus d'ici à 2050.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business