Retraites: la mobilisation du 7 mars était-elle vraiment historique ?

1,28 million de manifestants en France selon les chiffres de la police; 3,5 millions selon les syndicats. Il y avait du monde dans la rue mardi 7 mars pour protester contre la réforme des retraites. Les syndicats ont même qualifié cette mobilisation d’”historique”. L’était-elle ?
La preuve par les chiffres
Un 7 mars pas comme les autres : sixième journée de mobilisation contre le texte du gouvernement, les syndicats la préparaient depuis un mois et annonçaient une “France à l’arrêt” pour faire plier Emmanuel Macron. Si le pays à continuer de tourner, quoiqu’au ralenti, la mobilisation a effectivement été massive, légèrement plus que le 31 janvier dernier qui avait déjà largement rassemblé.
Si l’on regarde les mouvements sociaux qui, depuis 1995, se sont formés en opposition à un projet de réforme des retraites- un sujet historiquement fédérateur-, quelques grandes journées de manifestations ont jalonné les dernières décennies, notamment en 1995, 2003 et 2010. D'après les chiffres des pouvoirs publics, le 7 mars les aurait dépassé, parfois de peu, en termes de nombre de manifestants. “On peut qualifier les chiffres d’historiques,” dit Stéphane Sirot, historien français spécialiste de la sociologie des grèves, qui spécifie tout de même qu'il ne va pas au-delà de 1995.
Les mobilisations de 2006 contre le CPE (contrat première embauche) furent également importantes avec plus d’un million de personnes dans les rues ; pour autant, il y avait plus de monde le 7 mars, toujours d'après les chiffres du ministère de l'Intérieur.
Mais le mouvement actuel a une autre caractéristique que Stéphane Sirot trouve davantage historique: il est diffusé sur tout le territoire tandis que les précédents étaient beaucoup plus centralisés. En effet, quelque 300 manifestations étaient prévues dans toute la France mardi, dans les grandes comme dans les petites villes.
Point de bascule : les jours à venir peuvent changer la donne
Un mouvement d'ampleur par ses chiffres et unique par sa diffusion territoriale. En revanche, dans les types d’actions mises en place, rien de nouveau sous les barricades. Pour l’instant.
On pourrait basculer du “classique au moins classique” dans les jours qui viennent si les grèves et les blocages perdurent ou s'amplifient, dit Stéphane Sirot.
La stratégie syndicale devrait d’ailleurs se diriger, de plus en plus, vers ce genre d’actions car aujourd'hui, “pour ceux qui veulent continuer, il n’y a plus qu’une carte à jouer” et c’est celle de la grève, dit-il. La carte institutionnelle et de l’opinion publique n’ayant rien donné, il ne leur resterait plus que celle-ci.