Qui est Arnaud Rousseau, ce chef de l'agro-industrie qui va bientôt diriger la FNSEA?
Grand cultivateur et patron d'un géant de l'agroalimentaire, Arnaud Rousseau, 49 ans, s'apprête à prendre les rênes de l'influente FNSEA, la fédération agricole majoritaire en France, où il défend une position "offensive" face aux "sirènes de la décroissance" agricole.
Son élection à la tête du syndicat patronal d'exploitants agricoles, le 13 avril prochain, ne fait pas de doute: il est l'unique candidat.
Les Français ne sont pas encore familiers de sa haute silhouette. Son ton posé tranche avec le débit rapide de Christiane Lambert, l'éleveuse de porcs qui incarne le principal syndicat agricole depuis six ans.
Président du groupe Avril, géant des huiles
Son profil change aussi: c'est un producteur de grandes cultures (colza, tournesol, blé, betterave, maïs) et il préside le groupe Avril, un géant des huiles (près de 7 milliards de chiffre d'affaires en 2021), plus connu du grand public pour les marques Lesieur et Puget, aussi actif dans les agrocarburants et l'alimentation du bétail.
De quoi l'inscrire dans la lignée de Xavier Beulin, prédécesseur de Christiane Lambert à la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et président d'Avril jusqu'à son décès soudain en 2017.
Dans une FNSEA souvent analysée à l'aune des tiraillements entre éleveurs et céréaliers, il y a "des éleveurs qui vont se dire 'On ne sera pas défendus', sans savoir qui est Arnaud Rousseau", estime Philippe Jehan, producteur de lait et ancien président du syndicat en Mayenne.
Le groupe Avril a récemment vendu les oeufs Matines et ses parts dans des abattoirs porcins, au profit d'un recentrage vers les activités végétales.
"Il y avait des critiques sur le désengagement du groupe par rapport aux éleveurs mais Arnaud a garanti que le repreneur serait un groupe français et qu'aucun éleveur ne resterait sur le bord de la route", retrace Philippe Jehan, pour qui le chef d'entreprise est "tout l'inverse d'un agrobusinessman".
"Il a des valeurs catholiques de partage. C'est un gars proche des gens, quelqu'un qui ne s'emporte pas. Une force tranquille", loue-t-il.
Plaidoyer pour une agriculture offensive
La présidence d'Arnaud Rousseau arrive au moment où la guerre en Ukraine a remis au goût du jour un productivisme assumé. Au nom de la "souveraineté alimentaire".
Il faut "produire mieux, produire de l'alimentation" mais aussi "de l'énergie" (agrocarburants, méthanisation ou photovoltaïsme), écrit Arnaud Rousseau dans un courrier adressé en décembre aux administrateurs du syndicat, en forme de profession de foi.
Il plaide pour une "agriculture offensive (...) qui refuse de se laisser enfermer par les idéologies, les violences inacceptables, et les sirènes de la décroissance".
Pour Nicolas Girod de la Confédération paysanne (syndicat minoritaire classé à gauche), "plus encore que d'autres, il incarne une agriculture liée à l'agro-industrie" alors même qu'"il faut penser la transition, penser la planification écologique dans le contexte du changement climatique".
Comme premier vice-président du syndicat, Arnaud Rousseau était chargé des négociations sur la répartition des neuf milliards d'euros annuels des fonds européens de soutien à l'agriculture française (la politique agricole commune ou PAC).
Avec lui, "la FNSEA a tout fait pour conserver le statu quo", déplore Mathieu Courgeau, éleveur laitier et coprésident du collectif Nourrir, qui réunit 52 organisations pour une refonte du système agricole et alimentaire.
Il échappe à la mort en 2010
Dans un podcast baptisé "Déclic: ce moment où tout bascule", diffusé en octobre dernier, Arnaud Rousseau raconte être tombé dans un silo en 2010 : "J'ai fait une chute de quasiment neuf mètres, le genre d'accident dont normalement on ne réchappe pas. (...) Je suis remonté tout seul (...) à la force des bras avec les deux jambes cassées. Ce n'est pas un bon souvenir."
Neuf mois après, ce féru de randonnée, ancien officier de la réserve opérationnelle (1996-2009), par ailleurs "globalement gâté par la vie", marchait 1500 kilomètres jusqu'à Saint-Jacques de Compostelle.
Diplômé d'une école de commerce parisienne, Arnaud Rousseau a notamment travaillé dans le courtage agricole avant de reprendre l'exploitation familiale de Trocy-en-Multien, village de Seine-et-Marne de 240 habitants dont il est maire depuis 2014.
Il est devenu agriculteur en 2002, peu avant ses 30 ans. Avec son épouse (ils ont trois enfants), aussi cheffe d'exploitation, et quatre salariés, il gère désormais près de 700 hectares - une grande structure à l'échelle de la France.