Quel est le poids des taxes sur un billet d'avion?

Air France - AFP
Une décision "incompréhensible". Air France n’a pas caché sa déconvenue mardi, après l’annonce par la ministre des Transports Elisabeth Borne de l’instauration d’une "écotaxe" sur les billets d’avion à partir de 2020. D’un montant compris entre 1,50 euro sur les vols intérieurs et intra-européens en classe économique et 18 euros pour les vols hors UE en classe affaire, celle-ci concernera tous les vols au départ de la France, sauf vers la Corse et l’Outre-Mer.
"Cette nouvelle taxe pénaliserait fortement la compétitivité d’Air France", a réagi la compagnie qui assure que la France compte déjà "parmi les pays taxant le plus le transport aérien en Europe". Pour illustrer son propos, Air France nous a fait parvenir la décomposition tarifaire d’un billet d’avion Paris-Nice au prix de 90,32 euros qui correspond au tarif TTC médian en 2018.
29% de taxes "pures" pour la compagnie
Sur ces 90,32 euros, moins de la moitié (42,50 euros) revient directement à Air France. Cette part comprend les coûts fixes de la compagnie (salaires et cotisations sociales, achat/location d’avion, carburant, repas et boissons, etc…) ainsi que sa marge commerciale qu'elle fixe librement.
Les 47,82 euros restants (soit 53% du prix du billet) qui correspondent à la part variable se répartissent en taxes et redevances qui servent par exemple à l’entretien des aéroports et au financement de leurs services. Certaines sont affichées sur le billet, à savoir la taxe d’aéroport (11,70 euros), les redevances aéroport/passagers (10,78 euros), la taxe d’aviation civile (4,58 euros), la TVA sur les taxes et surcharges (4,03 euros) et la taxe de solidarité ou "taxe Chirac" pour financer l’aide au développement (1,13 euro).
D’autres taxes et redevances n’apparaissent pas nécessairement sur le billet. C’est le cas de la TVA (4,19 euros), les redevances aéroport/avion (5,73), les redevances de route (3,45 euros), dans le cas présent les redevances terminales Nice (1,92 euro) et la taxe sur les nuisances sonores (0,31 euro).
Au final, les redevances représentent ici 21,88 euros du billet et les taxes "pures" 25,94 euros, soit près de 29% du prix. Montant auquel il faudra ajouter 1,50 euro minimum lors de l’entrée en vigueur de l’"écocontribution".

Des montants très différents d'un vol à l'autre
Il est toutefois important de noter que ce découpage du prix du billet est loin d’être systématique. Il dépend en effet de nombreux facteurs. Ainsi, la compagnie aérienne, les aéroports utilisés, la date du vol, les éventuelles escales, la destination, la taille de l’avion… sont autant d’éléments qui peuvent faire varier significativement les redevances et les taxes, et donc le prix du billet.
Par exemple, les vols internationaux étant exonérés de TVA et les prix affichés plus chers, le poids des taxes "pures" est mécaniquement réduit. Sur un Paris-Dublin à 127,28 euros avec Air France le 9 septembre, les taxes "pures" ne représentent plus "que" 13,7% du prix environ (14,7% avec l'écotaxe de 1,50 euro). Pour un vol Paris-Montréal le 21 août à 660,38 euros elles ne pèsent plus que 3% du billet environ (4,6% avec l'écotaxe de 3 euros).

Des billets d'avion plus taxés chez nos voisins
Au total, Air France estime qu’elle s’acquitte chaque année de 600 millions d’euros de taxes en France (TVA, taxe d’aviation civile, taxe d’aéroport, taxe de solidarité, taxe Corse, TNSA) et paye 954 millions d’euros de redevances. Selon une étude menée en 2017 par l’association Airlines for Europe (A4E) qui regroupe une quinzaine de compagnies aériennes européennes dont Air France et KLM, les recettes générées par les taxes spécifiques au transport aérien sont plus élevées au Royaume-Uni (3,6 milliards) et en Allemagne (1,1 milliard) et équivalentes en Italie.
Peu de pays en Europe sont dotés d’une taxe spécifique aérienne sur le billet payée directement par le passager (type "taxe Chirac" et écotaxe). Selon Andrew Murphy, responsable du secteur aérien pour l’ONG Transport & Environment, l’écotaxe française comprise entre 1,50 et 18 euros est "dérisoire par rapport aux pays voisins comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni" alors que l’État espère récupérer 180 millions d’euros.
L’Allemagne applique en effet depuis 2012 une taxe spécifique sur le transport aérien comprise entre 7,38 euros pour les court-courriers et 41,49 euros pour les long-courriers. Au Royaume-Uni, une taxe équivalente sur le billet est de 14,45 euros pour les petites distances et jusqu’à 86,71 euros pour les longues.
"La taxe allemande sur les compagnies aériennes lève un milliard d'euros par an et le Royaume-Uni plus de trois milliards de livres par an", souligne Andrew Murphy.
Seule la Suède appliquait jusqu’à présent une taxe écologique sur le transport aérien. Celle-ci va de 5,74 euros à 38,42 euros. Enfin, la taxe norvégienne oscille entre 7,73 euros et 20,61 euros par billet.
en cas de vol raté, les taxes peuvent être remboursées
À noter que les taxes sont collectées par la compagnie aérienne qui doit les reverser à divers organismes comme les aéroports pour la taxe d'aéroport, l'État pour la taxe aviation civile ou encore le Fonds de Solidarité pour le Développement pour la taxe solidarité. Elles sont assises sur le nombre de passagers embarquant réellement. Si vous ne montez pas dans l'avion, la compagnie aérienne doit dont vous les rembourser.
Surtout, les passagers qui louperaient leur avion doivent s'intéresser aux divers surcharges que les compagnies impose en plus du prix du billet et qui peuvent porter toute sorte de nom: "surcharge carburant", "surcharge transporteur", "supplément international". Sur le billet, elle peut figurer sous divers sigle parmi lesquels YQ. Et elle représente souvent une partie importante du prix du billet. C'est d'ailleurs pour éviter d'avoir à rembourser ces surcharges et ces taxes que les compagnies ne les détaillent généralement pas avec précision sur les billets.