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Episode de gel: faut-il craindre les mêmes ravages qu'en 2021 pour les fruits?

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Météo France prévoit des températures négatives ce week-end et jusqu'à lundi notamment dans des régions productrices de fruits. Mais les producteurs semblent mieux préparés pour limiter les dégâts.

Le printemps est une saison de contrastes, et le millésime 2022 ne déroge pas à la règle. Comme en 2021, la France enchaîne grande douceur et une vague de froid, des averses neigeuses et même un épisode de gel qui pourrait perdurer jusqu'à la semaine prochaine avec des températures négatives.

Les gelées sont ainsi "possibles principalement pour la moitié nord puis [pourront] se généraliser dans le Sud-Ouest pour le week-end à venir", prévoit Météo France

De quoi à nouveau inquiéter les agriculteurs et notamment les producteurs de fruits, un an après un long épisode de gel dévastateur avec notamment 80% de l'arboriculture détruite dans les Bouches-du-Rhône et le Var.

"Il ne faut pas pleurer avant d'avoir mal"

Interrogé par BFM Business, Raphaël Martinez, directeur de l'association de producteurs de pêches et abricots de France relativise néanmoins cette inquiétude.

"Comme disait ma grand-mère, il ne faut pas pleurer avant d'avoir mal. On va attendre de voir car les modèles sont encore contradictoires. Il y a de l'inquiétude, c'est normal mais c'est chaque année la même chose en fait. Des périodes de froid qui suivent des périodes de douceur, il n'y a rien de particulier".

A quoi faut-il s'attendre concrètement pour les arboriculteurs ou encore les vignerons alors que les premiers bourgeons commençaient à s'ouvrir suite à la grande douceur de ces derniers jours? Une situation très délicate: ce moment de la floraison est le plus risqué.

Pour Vincent Guérin, Responsable des affaires économiques de l'Association nationale pommes poires (ANPP), c'est ce point qui inquiète le plus. "La douceur a accéléré le développement et donc la précocité. L'arbre est à un stade sensible. Quelques degrés en plus ou en moins peuvent tout changer en termes de dégâts".

"Il faudra surveiller les matinées des 3 et 4 avril"

Interrogé par BFM Business, Serge Zaka, docteur en agrométéorologie décrit la situation: "Nous sommes au début de la vague et la couverture nuageuse ralentit la baisse des températures, donc le risque de dégâts. Mais il faudra absolument surveiller les matinées des 3/4 avril. En 2021, la chute des températures a été très brutale, tout s'est joué en une nuit, on n'aura pas ça. Par contre, ce sont les cumuls de dégâts journaliers qui feront des grosses pertes en 2022. Le plus dur est à venir".

Selon le météorologue Cyril Bonnefoy sur la chaîne Météo, "les cerisiers, abricotiers, pêchers et pruniers seront particulièrement exposés au risque de gel et dans une moindre mesure les pommiers et poiriers un peu moins en avance. C’est ainsi toutes les régions qui seront exposées à un risque de dégâts, plus particulièrement les départements au sud d’une ligne Nantes-Charleville-Mézières".

"Concernant la viticulture, la vigne est généralement beaucoup moins en avance que l’année dernière, ce qui devrait permettre de préserver beaucoup plus de parcelles. La région viticole la plus exposée est la Bourgogne car les bourgeons ont souvent 7 à 15 jours d’avance sur la normale. Ils seront donc particulièrement vulnérables. Le Bordelais qui connaîtra des gelées moins sévères, devrait subir moins dégâts en raison d’une avancée plus limitée du débourrement (sortie du bourgeon du cocon)" poursuit-il.

Une meilleure anticipation "pour ceux qui le peuvent"

"Néanmoins, l’humidité laissée par les pluies ou neige de la fin de semaine laisse craindre l’éclatement de certains bourgeons. La vallée du Rhône et la Provence devrait être moins exposée que l’année dernière en raison du Mistral", conclut le spécialiste.

Agriculteurs, arboriculteurs, vignerons, tous tentent de protéger leurs cultures de ce gel. Surtout, ils anticipent mieux après les ravages de l'épisode de gel de 2021.

"Il y a une meilleure anticipation c'est vrai pour ceux qui le peuvent mais une majorité des producteurs déploient des moyens de lutte, bien plus que l'an passé", nous confirme Vincent Guérin.

Sur BFMTV, David Feuillette, arboriculteur à Bonny-sur-Loire dans le Centre Val-de-Loire, attend une baisse des températures jusqu'à -3°C.

"On va prendre l'eau dans la réserve, et grâce aux pompes, on va monter en pression et la pulvériser pour faire de la protection par aspersion", explique-t-il. Le passage de l'eau de l'état liquide à l'état solide "va produire de la chaleur et protéger les fleurs et les fruits du gel".

Des coûts qui ne sont pas répercutés sur le prix de vente

Dans la Haute-Loire (production de fruits rouges), les producteurs optent pour des voilages de forçage pour gagner quelques précieux degrés.

En Mayenne (pommes et poires), les agriculteurs déploient des bougies, des braseros ou encore des roundballers pour faire un écran de fumée.

Autant d'outils qu'il faut renouveler ou réalimenter pendant la nuit et qui ont un coût pour les producteurs... Une bougie coûte par exemple 8 euros, la note peut dépasser 2000 euros pour un demi-hectare.

"Les investissements pour les tours à vent, les bougies sont importants, cela augmente les coûts de production. L'an passé, ces coûts n'ont pas été répercutés sur les prix de vente et c'est un problème pour les producteurs", souligne Vincent Guérin de l'ANPP.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business