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Finances publiques

Les Français paient-ils vraiment plus d'impôts que les habitants des autres pays?

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Si le débat sur les hausses d'impôts a été relancé depuis la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre, les opposants à toute augmentation rappellent que la France dispose déjà du taux de prélèvements obligatoires le plus important des pays de l'OCDE. Plusieurs facteurs expliquent cet écart.

A chaque fois qu'une hausse d'impôts est envisagée, c'est le principal argument qui revient chez les opposants à toute augmentation: la France est déjà le pays de l'OCDE avec le taux de prélèvement obligatoire le plus important.

Alors que Michel Barnier réfléchirait à plus grande taxation des "contribuables aisés et des entreprises profitables" - même si Matignon dément envisager une telle décision à ce stade - pour faire face à une situation budgétaire "très grave", il y a fort à parier que cette parade sera déroulée par une partie de la droite et des macronistes, réticent à toute augmentation de la fiscalité.

À première vue, difficile de ne pas leur donner raison. En 2022, le taux de prélèvements obligatoires tricolore s'est établi à 48% du PIB, soit 14 points de plus que la moyenne des pays de l'OCDE. La Belgique, deuxième, affiche un taux de 45,6%, quand celui de l'Allemagne est à 42,1%. Ce taux est beaucoup moins important dans les pays non-européens de l'OCDE.

Disparités

Parmi les principaux prélèvements obligatoires, on retrouve notamment les cotisations sociales, l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la TVA, ou encore les impôts de production.

Dans le détail, les cotisations sociales représentent 16,9% du PIB en France, un niveau supérieur à la moyenne des pays de la zone euro (14,9%) mais légèrement inférieur à celui de l'Allemagne (17,2%). En ce qui concerne l'impôt sur le revenu des ménages, le taux français se rapproche des autres pays européens (9,9% contre 9,7% du PIB), loin derrière le Danemark (24,5%), l'Italie (11,2%) ou encore l'Allemagne (10,5%). La France est en revanche largement au-dessus en ce qui concerne les impôts de production avec plus de 2,4 points d'écarts avec ses voisins (4,7% du PIB).

Doze d’économie : Ça y est, le tabou fiscal tombe - 18/09
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Le financement des retraites et de l'assurance maladie

"Les écarts entre les taux des prélèvements obligatoires tiennent pour partie à des périmètres différents des administrations publiques d’un pays à l’autre, qui résultent de choix de systèmes économiques et sociaux faisant plus ou moins de place au marché ou à l’intervention publique pour satisfaire les besoins des ménages et entreprises", explique François Escale, spécialiste des finances publiques dans une note sur Fipeco.

"C’est notamment le cas des assurances maladie et retraite qui expliquent une partie de ces écarts" ajoute-t-il. En effet, les prélèvements affectés constituent une part importante du financement fiscal du système des retraites. En 2021, les cotisations sociales représentaient 79% des ressources globales affectées au régime des retraites selon le conseil d'orientation des retraites (COR). Même son de cloche pour l'assurance maladie.

À titre de comparaison, un pays comme les États-Unis bénéficie certes d'un taux de prélèvements obligatoires beaucoup moins important (27,66%) mais les Américains doivent passer par des assurances privées pour être couverts par le système de santé. Avec pour conséquence des situations très inégalitaires qui varient selon le lieu de résidence, le revenu... Si bien que la réforme du système de santé reste une préoccupation majeure des électeurs pour la présidentielle de 2024.

60% des Français bénéficiaires du système

Reste que pour beaucoup de Français, la notion de matraquage fiscal est perçue comme une réalité contraignante.

"Évidemment, la France n'est pas un paradis fiscal mais, d'une part, l'indicateur de taux de prélèvement obligatoire exagère d'un strict point de vue comptable la position de la France et d'autre part, il est intéressant de voir ce que cela finance", observait Guillaume Allègre, économiste spécialiste des questions de fiscalité à l'OFCE, dans nos colonnes il y a quelque mois.

"Ce qui est pris dans une main est souvent redistribué dans l'autre sous forme de prestations plus que de services publics", ajoutait-il. On remarque que les dépenses publiques sociales en France sont significativement plus élevées que dans les autres pays de la zone euro, représentant 32 % du PIB, alors que la moyenne est de 27,2 %. Mais sans celle-ci, les inégalités seraient bien plus marquées dans le pays selon la Dress.

D'autant qu'une étude menée par trois économistes de l'Insee révèle que 60% des ménages sont des bénéficiaires nets du système, incluant des services comme l’éducation et la santé ou encore l'hôpital. Cela signifie qu'ils reçoivent plus de prestations qu'ils n'y contribuent financièrement. Cela contraste avec l'opinion générale, où trois Français sur quatre croient le contraire.

Théodore Laurent