BFM Business
Economie

Covid-19: Comment les pharmacies se préparent à vacciner des millions de Français

Une infirmière prépare une seringue de vaccin Pfizer BioNTech à l'Institut Pasteur, le 21 janvier 2021 à Paris

Une infirmière prépare une seringue de vaccin Pfizer BioNTech à l'Institut Pasteur, le 21 janvier 2021 à Paris - Christophe ARCHAMBAULT © 2019 AFP

Les pharmacies et les grossistes répartiteurs qui les livrent craignent d'avoir moins de doses AstraZeneca que prévues en février.

Une campagne de vaccination massive. C'est ce que s'apprêtent à mettre en place les 22.000 pharmacies de l'Hexagone. Alors qu'avec les vaccins à ARN messager la vaccination était exclusivement à la charge du milieu hospitalier en lien avec la direction générale de la Santé, l'arrivée du vaccin AstraZeneca marque une nouvelle étape: celle des pharmacies.

Ce sont elles en effet qui vont vacciner dans les prochains mois des millions de Français avec le vaccin à vecteur viral du groupe anglo-britannique. Une campagne de vaccination pour lesquelles les pharmacies sont rompues. Elles ont vacciné en fin d'année dernière près de 4 millions de Français en quelques semaines avec le vaccin contre la grippe.

"Sauf que pour la grippe on avait les stocks, explique Pascal Fontaine, le directeur commercial du groupe de pharmacies Lafayette, là notre inquiétude c'est que les livraisons ne suivent pas nos commandes et qu'on crée beaucoup de frustration."

Si la direction générale de la santé table sur 2,5 millions de doses reçues en février, les officines s'attendent à en recevoir beaucoup moins. Une première livraison de 400.000 doses est prévues ce week-end mais elle sera destinée aux hôpitaux.

"Pour les officines il faudrait attendre la fin du mois de février", explique Emmanuel Déchin, le délégué général de Chambre Syndicale de la Répartition Pharmaceutique qui représente les grossistes de la pharmacie. La deuxième vague qui doit arriver le 17 février comptera 700.000 doses destinées au "circuit ville" (médecins, infirmiers, sages-femmes et pharmaciens) et ces doses là seront livrées aux répartiteurs. Une troisième vague est prévue fin février; elle devrait être de 1,1 millions de doses.

Ces doses seront livrées depuis les deux usines européennes d'AstraZeneca sous formes de boîtes contenant chacune 10 flacons. Chacun des flacons qui doivent être stockés dans des réfrigérateurs entre 2 et 8 °C permettant de réaliser 10 injections. Une fois ouvert, le flacon doit être utilisé dans les six heures.

Les pharmacies sur Doctolib

Acheminés par des dépositaires pharmaceutiques (des livreurs sous-traitants), les vaccins sont ensuite achetés par les grossistes répartiteurs qui vont les stocker dans leurs 180 établissements répartis sur le territoire métropolitain. Ces grossistes qui réalisent l'essentiel de la livraison de médicaments aux pharmacies en France sont des spécialistes de la logistique granulaire. Ils reçoivent des grosses quantités de produits des laboratoires qu'ils livrent au compte-gouttes à chacune des 22.000 pharmacies à raison de deux fois par jour en moyenne.

"La difficulté avec ce vaccin c'est l'information, explique Emmanuel Déchin. Nous allons utiliser un fichier crise (établi en 2009 pour la grippe H1N1 pour cibler les pharmacies prioritaires) pour répartir les doses mais, il faut pour cela que les pharmacies nous passent commande et qu'elles aient une estimation précise des doses dont elles vont avoir besoin."

Pas question de gâcher des doses de vaccin aussi rares. C'est donc aux pharmacies, le dernier maillon de la chaîne, de faire remonter les informations précises de personnes à vacciner. Et comme pour les centres de vaccination, ce sont les plateformes de type Doctolib qui permettront aux gens de s'inscrire et de réserver des créneaux de vaccination.

"Doctolib vient d'ouvrir sa plateforme aux pharmacies, nous mettons en place des contrats cadres et nous encourageons nos pharmaciens à s'inscrire, explique Pascal Fontaine. Le problème c'est qu'on ne sait pas aujourd'hui si toutes les pharmacies seront éligibles à recevoir le vaccin."

Difficulté accrue avec le fait que la vaccination se fait en deux doses espacées chacune de six à neuf semaines. Si les pharmaciens s'engagent sur la première dose, seront-ils assurés de pouvoir faire la deuxième injection dans le délai imparti? Logiquement les livraisons devraient toutefois monter en puissance. Si les pharmaciens n'attendent pas plus de 700.000 doses en février, ils tablent sur 2 millions en mars et 4 à 5 millions en avril.

8 euros l'injection pour le pharmacien

Autre difficulté: le profil des patients à vacciner. Si la Haute autorité de santé réserve le vaccin aux personnes âgées de 50 à 65 ans présentant des signes de comorbidité et aux soignants, ce sera aux pharmaciens d'évaluer que la personne à vacciner répond bien aux critères.

"On va s'appuyer sur l'éthique des pharmaciens qui sont habitués à vacciner et qui ont accès aux antécédents de santé des personnes", explique Pascal Fontaine.

Derniers points qui ne sont toujours pas réglés: la livraison des seringues et la rémunération des pharmaciens. La vaccination Covid se fait en effet en intramusculaire et il faut pour la pratiquer des aiguilles plus longues, dont ils ne disposent pas. C'est Santé Publique France qui doit les leur livrer mais ils n'ont toujours pas de calendrier.

Concernant la rémunération, c'est l'Etat qui paie les vaccins mais la vaccination occasionne des coûts tant pour les répartiteurs en charge de la logistique que pour les pharmaciens. Les premiers négocient actuellement un forfait de distribution avec le ministère de la Santé. Les seconds devraient être rémunérés à l'acte comme pour le vaccin contre la grippe (un pharmacien touche 8 euros par injection).

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco