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Prime de 1000 euros pour les salariés: les syndicats de la grande distribution entre déception et colère

La prime versée dans certaines enseignes de la grande distribution ne sera pas de 1000 euros pour tous les salariés

La prime versée dans certaines enseignes de la grande distribution ne sera pas de 1000 euros pour tous les salariés - Sébastien Bozin-AFP

Dans la plupart des cas, le montant des primes versées par les enseignes de grande distribution sera modulé en fonction du temps de travail effectif pendant le confinement. Une méthode de calcul qui contredit les promesses initiales, selon les syndicats du secteur.

"Où sont passés les 1000 euros pour tous?". Depuis quelques jours, les organisations syndicales déchantent. Car la prime forfaitaire de 1000 euros promises par plusieurs enseignes de grande distribution ne profitera finalement pas à tous les salariés. 

Dans la plupart des cas, seuls les salariés à temps plein présents sur le terrain pendant la période de confinement pourront toucher les 1000 euros. C'est par exemple le cas chez Auchan qui avait pourtant promis fin mars une prime de 1000 euros à ses 65.000 salariés. Son montant sera finalement modulé en fonction du temps de travail et des absences (sauf congés payés et RTT). 

"On est loin de la promesse faite en mars"

Concrètement, tous les salariés en CDI ou CDD ayant travaillé au moins 28 heures hebdomadaires seront éligibles à la prime de 1000 euros. Entre 10 et 28 heures, son montant sera proratisé. Par exemple, un salarié ayant effectué 25 heures hebdomadaires en moyenne aura droit à 714 euros. Et pour moins de 10 heures travaillées, un salarié touchera 50 euros. La moitié de la prime a été versée sur la paie d'avril et le solde le sera sur celle de mai. 

"Le virus ne proratise pas ses victimes en fonction de leur contrat de travail. La contamination est aléatoire", a fait valoir la CFDT, dénonçant une "discrimination de présence entre les contrats". "On est loin de la promesse faite en mars de 1000 euros pour 65.000 salariés", a déploré de son côté le délégué syndical FO Pierre Fostier. 

Contacté, Auchan dit "ne pas vouloir s'exprimer sur le sujet". Le groupe rappelle néanmoins que les conditions d'accès à la prime sont négociées avec les partenaires sociaux. Interrogé par Linéaires, Olivier Lurson, DRH d'Auchan Retail, assure par ailleurs que l'enseigne n'a "pas encore communiqué officiellement" sur les modalités précises de versement. 

"Partage inéquitable"

Du côté de Lidl, la prime exceptionnelle de 400 euros déjà versée en février sera augmentée pour "l'ensemble de ses salariés mobilisés en front office" entre le 16 mars et le 7 juin. Mais là-encore, tous ne seront pas logés à la même enseigne.

Cette prime qui sera versée sur la paie de juillet "sera proratisée en fonction du temps de travail pour les contrats en dessous de 30 heures" et en fonction des absences (hors congés payés), explique l'Unsa Lidl. Les 600 euros supplémentaires ne concerneront donc que les contrats de plus de 30 heures. En outre, le personnel administratif présent physiquement mais jugé moins exposé au virus verra sa prime augmenter de 300 euros maximum. 

"L'Unsa déplore encore le partage inéquitable de la prime et n'approuve pas la méthode Lidl qui prive la population administrative de la moitié de la prime. Pour l'Unsa, en cette période de Covid-19, le risque est identique pour tous les salariés qui sont sur le terrain: pas de discrimination!", lance le syndicat dans un communiqué. 

Certains CDD exclus

Même chose chez le groupe Casino (Franprix, Monoprix, Casino...), à ceci près qu'il n'a jamais communiqué, "contrairement à d'autres enseignes", sur "une prime de 1000 euros pour tous", tient-il à préciser. La logique reste néanmoins la même: une prime de 1000 euros pour tous les collaborateurs en première ligne "à temps complet et qui sera modulée au prorata de la présence effective au travail" pendant le confinement. 

"Cette prime sera versée avec la paye du mois de mai pour tous les personnels présents au moment du versement qu'ils soient employés ouvriers, agent de maîtrise ou cadre, CDI ou CDD ou intérimaires", ajoute Casino. Une condition fixée par plusieurs enseignes qui agace les syndicats. Et pour cause, cela signifie dans le cas présent qu'un salarié en CDD ayant uniquement travaillé au mois d'avril n'y aura pas droit. 

Ces annonces sont "une douche froide" pour l'Unsa Casino qui déplore en outre que les salariés en télétravail soient exclus du dispositif. "Cerise sur le gâteau, le montant de la prime sera également impacté si les salariés ont été en congés sur cette période", croit savoir le syndicat. "Même virus, même métier, même prime" pour "des gens qui ont eu un engagement moral et physique", réclame de son côté Carole Desiano, secrétaire fédérale de la FGTA-FO.

En revanche, l'incertitude demeure chez Carrefour. Si le PDG du groupe, Alexandre Bompard, a annoncé le 22 mars qu'une prime de 1000 euros net sera bien versée à toutes les équipes en magasins, entrepôts et drive, les conditions d'attribution ne devraient pas être annoncées avant le 30 avril, selon FO. Mais le montant devrait être le même pour les temps complet et temps partiel. 

Les salariés des magasins indépendants privés de prime? 

Reste la question des magasins franchisés qui, eux, sont libres de verser ou non la prime exceptionnelle aux salariés en première ligne. "C'est le flou le plus complet. Il y a les annonces des grandes enseignes, et après il y a réalité du terrain", observe Carole Desiano. 

Chez Auchan, les chefs d'entreprise indépendants à la tête de 95 magasins franchisés "font comme ils le souhaitent", indiquait l'enseigne fin mars. Mais la question se pose surtout pour les groupements non intégrés comme E.Leclerc. Si les salariés des entrepôts et bases logistiques gérés par l'enseigne pourront prétendre à cette gratification, ce ne sera pas nécessairement le cas pour ceux travaillant en magasin. 

"Les centres E.Leclerc sont indépendants socialement, chacun gère sa politique sociale avec les organes représentant le personnel. Dans ce contexte, la recommandation à tous les magasins est de distribuer la prime à leurs salariés" explique le groupement. Et d'ajouter: "Le montant de cette prime sera calculé en fonction du temps passé dans l'entreprise pendant la période de confinement. Cette prime ne se confond pas avec les 25% des bénéfices avant impôt que chaque centre E.Leclerc se doit de distribuer à ses salariés sous forme d'intéressement et de participation."

"D'après les premiers retours que j'ai eus, presque personne n'a annoncé de prime", déplore Carole Desiano. Quant aux quelques annonces recensées, elles n'ont pas encore été suivies d'effets et les modalités de versement n'ont toujours pas été détaillées. 

Du côté d'Intermarché, le Groupement les Mousquetaires, "qui n'est pas un groupe de distribution intégré mais qui rassemble des chefs d'entreprise indépendants, (...) invite" ces derniers à "pour mettre en œuvre ce principe d’une rétribution annuelle exceptionnelle, destinée à l’ensemble de leurs collaboratrices et collaborateurs".

Paul Louis