Pour lutter contre la précarité énergétique, des aides méconnues des ménages défavorisés

L'étude note la forte méconnaissance par les ménages concernés des aides auxquelles ils pourraient prétendre - Philippe Huguen - AFP
Alors que l'envolée des prix de l'énergie pèse sur les ménages, les chercheurs Antoine Rode, Rania El Fahli et Héléna Revil de l'université de Grenoble-Alpes se sont penchés sur les effets de la précarité énergétique dans l'agglomération de Roanne (Loire).
Cette étude exploratoire a été menée de mars à juillet 2020 sur cette agglomération de 40 communes et 100.000 habitants, où le taux de pauvreté (14,7%) est dans la moyenne nationale et où 37% des logements datent d'avant 1970.
Un "baromètre de précarité énergétique" a été établi, distinguant deux formes de précarité: une première liée aux conditions thermiques du logement, une seconde aux charges d'énergie pesant sur le budget du ménage. Ainsi, 29% des enquêtés ont ressenti du froid dans leur logement au cours des douze derniers mois et 31% ont eu des difficultés à payer leurs factures d'énergie sur la même période.
L'étude note que 35% des ménages exposés au froid sont des familles monoparentales. "Les variables les plus discriminantes entre les ménages sont le genre (être une femme), les faibles ressources (sans emploi et allocataire des minimas sociaux) et la situation familiale (être seul.e ou habiter seul.e avec ses enfants)."
Les auteurs, rattachés à l'Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore), mettent au jour la forte méconnaissance par les ménages concernés des aides auxquelles ils pourraient prétendre: 78% des enquêtés ne connaissent pas les aides financières de rénovation thermique (crédit d'impôt, prime Renov) et 38% ne connaissent pas celles pour alléger les charges d'énergie (Fonds solidarité logement, chèque énergie).
Non-recours au chèque énergie
Une attention particulière est portée au chèque énergie, qui a remplacé en 2018 les tarifs sociaux du gaz et de l'électricité. Il est versé sous condition de ressources pour aider 5,8 millions de ménages modestes. Son montant moyen est de 148 euros par ménage.
Un chèque exceptionnel de 100 euros sera alloué en décembre pour faire face à l'augmentation actuelle des prix de l'énergie. Le Premier ministre Jean Castex a ouvert la porte jeudi à un geste supplémentaire, si les mesures de modération des prix décidées par le gouvernement ne suffisaient pas.
Les chercheurs grenoblois notent toutefois que le chèque énergie fait l'objet d'un non-recours au sujet duquel la Cour des comptes a déjà interpellé les pouvoirs publics: en 2019, 25% des ménages ayant reçu ce chèque ne l'avaient pas utilisé.
"Non-réception du chèque (par exemple liée à un changement d'adresse), incompréhension sur la manière de l'utiliser, perte ou refus de l'utiliser (du côté des ménages et des fournisseurs d'énergie)" sont les explications avancées.
Ce constat est partagé par les associations d'aide aux plus démunis. "Ca fait quatre ans que ce pourcentage ne diminue pas", se désole François Boulot, chargé de mission sur la précarité énergétique au sein du Secours catholique, qui souligne que le courrier d'envoi du chèque énergie fait sept pages d'explications...
L'étude met elle-aussi en avant "l'enjeu de l'information sur les aides" car la précarité énergétique est en butte à "des formes de non-recours aux aides et dispositifs, par non-connaissance et par non-proposition".
L'étude "Observer la précarité énergétique", soutenue par la chaire HOPE, en pointe dans la lutte contre la précarité énergétique, est accessible sur le site de l'Odenore.