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"L'une des meilleures bières au monde": la bière tchèque entrera-t-elle au patrimoine mondial de l'Unesco?

Une chope remplie de bière dans un pub de Prague, en République tchèque, le 19 mars 2025.

Une chope remplie de bière dans un pub de Prague, en République tchèque, le 19 mars 2025. - Michal Cizek / AFP

La République tchèque espère décrocher le label Unesco pour sa bière, suivant les pas de la Belgique.

Elle fait la fierté de la République tchèque, où on en engloutit 130 litres par personne chaque année. La culture de la bière du pays d'Europe centrale ambitionne d'entrer au patrimoine mondial de l'Unesco au moment où les clients délaissent les pubs. Dans un bar de Prague, Gabriela Galetkova savoure sa Pilsner. "L'une des meilleures bières au monde, si ce n'est la meilleure", s'enthousiasme cette consultante en médias, trinquant avec ses amis autour de pintes à l'épaisse mousse blanche, dans une ambiance joyeuse et bruyante.

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"Nouer des rencontres dans un lieu typique, voilà pour moi la culture de la bière tchèque", ajoute-t-elle. Si cette quinquagénaire est une habituée des sorties au pub, la fréquentation est en berne. Décidée à redonner des couleurs au secteur, le ministère de la Culture a officiellement entamé en janvier la longue procédure pour obtenir la consécration internationale. "Que ce soit en Europe ou plus loin, tout le monde connaît la bière tchèque", notamment ses blondes et légères lagers, commente Tomas Slunecko, responsable de l'association nationale de la bière.

Sa tradition plus que millénaire, ses producteurs de houblon, ses 550 brasseries générant 65.000 emplois pour 20 millions d'hectolitres par an, ses pubs conviviaux: il vante "une réputation mondiale" méritant le label Unesco que seule la Belgique détient pour l'instant dans ce domaine, depuis 2016.

"Préserver notre culture"

La ville tchèque de Zatec et les champs de houblon de la région ont déjà été consacrés par l'Unesco. Mais pour recevoir ce nouveau label, "nous devons montrer que nous savons préserver notre culture de la bière et la développer" à travers des associations, une clientèle fidèle, des festivals, explique Tomas Slunecko à l'AFP. Un défi qui, espère-t-il, donnera un coup de pouce aux pubs et attirera les intérêts étrangers – actuellement seulement un quart de la production est exporté, essentiellement vers l'UE. Il cite en exemple le cas de la Belgique, où la prestigieuse reconnaissance a dopé le secteur.

Car l'inflation a chassé les clients: les prix à la pression ont doublé au cours de la dernière décennie en raison du renchérissement des matières premières et de la hausse des taxes sur l'alcool. Finie la bière moins chère que l'eau: maintenant il faut débourser quelque 70 couronnes tchèques (2,8 euros) pour une pinte de Pilsner à Prague, voire plus de 4 euros dans certains établissements du centre historique.

De plus en plus de Tchèques préfèrent donc acheter le breuvage en bouteilles au supermarché et le siroter sur leur canapé. "Seulement 30% de la bière consommée l'est au pub, contre 50% auparavant", relève Tomas Slunecko. Le déclin des estaminets, nombreux à fermer dans les villages, n'est pas nouveau mais il s'est accéléré sous l'effet des restrictions anti-Covid. Selon la Chambre de commerce, près d'un tiers des bars tchèques ont fermé ou changé de mains pendant la pandémie.

Baisse de la consommation

Au-delà des modes qui évoluent, la consommation elle-même diminue alors que beaucoup aspirent à une vie plus saine: si le pays de 10,9 millions d'habitants, aidé par les touristes, reste en tête du palmarès mondial, la consommation moyenne a reculé à 128 litres en 2023, contre 143 litres il y a dix ans. "Le contexte change" mais pour le sociologue Jiri Vinopal, la culture de la bière agit toujours comme un ciment "qui maintient la cohésion de la société et forge une identité, que ce soit au niveau local ou national".

C'est "comme un réseau social", confirme Tomas Slunecko. "Je voudrais que les gens reviennent au pub et discutent en chair et en os" dans un lieu chaleureux au lieu d'être rivés à leur écran. Il parie sur "la qualité plutôt que la quantité": des boissons plus variées, des mets plus fins, une clientèle qui se féminise. Et assure qu'il "n'y a rien de mal à boire une bière".

J. Br. avec AFP