En surtaxant les sodas, Philadelphie a gagné son pari

.A Philadelphie,la taxe soda est d'environ 50 cents de dollar par litre (1,5 cent par once liquide). - Kantasimo- Pixabay- CC
Sept villes américaines, la France, le Mexique et d'autres juridictions ont imposé ces dernières années des taxes visant à dissuader la consommation de boissons dont la teneur en sucre est liée aux problèmes de santé publique comme l'obésité et le diabète. La taxe est plus ou moins élevée selon les lieux. A Philadelphie, ville de 1,6 million d'habitants sur la côte Est des Etats-Unis, elle est d'environ 0,5 dollar (0,45 euro) par litre.
Les grandes surfaces, supermarchés et petits commerces ont plus ou moins répercuté la taxe, et dans les rayons, les prix des bouteilles et canettes ont augmenté en moyenne de 24 à 53 cents l'unité, selon le type de magasin.
Des ventes en hausse dans les magasins frontaliers
Les ventes à Philadelphie ont chuté de moitié en volume en 2017 par rapport à 2016, selon une étude publiée dans le Journal de l'académie américaine de médecine (Jama). Elle est fondée sur des données de caisses dans des magasins représentant le quart des ventes de boissons dans la ville. Les consommateurs ont partiellement compensé en se rendant dans les magasins frontaliers, où les ventes ont augmenté. En prenant ces achats en compte, la baisse nette des ventes est estimée à 38%.
Pour s'assurer que la baisse est bien due à la taxe, les chercheurs ont comparé Philadelphie à Baltimore, sans taxe: là-bas, les ventes sont restées stables. Les chiffres confirment une des bases de la théorie économique: si le prix d'un produit augmente, les gens en achètent moins.
Reste à voir si l'obésité et les caries sont en recul
Les économistes "peuvent être rassurés sur leur théorie", s'amuse Christina Roberto, professeure de politique de santé à l'université de Pennsylvanie. "Taxer les boissons sucrées est l'une des stratégies les plus efficaces pour réduire la consommation. Cette politique de santé publique est selon moi une évidence", dit-elle à l'AFP.
L'objectif ultime est bien sûr de réduire l'obésité, les caries, les cas de diabète... Ce que les auteurs n'ont pas mesuré; cela reste à faire. Mais ils estiment que la réduction de la consommation de sucres ajoutés est un pas dans la bonne direction.
Aux Etats-Unis, les enfants consomment 17% de leurs calories par des sucres ajoutés au lieu des 10% recommandés, et la moitié de ces sucres vient de boissons. Les enfants de familles pauvres, ainsi que les enfants et adolescents noirs, sont beaucoup plus consommateurs de boissons fruitées et sucrées que les plus riches et les Blancs aux Etats-Unis.
Les formats de boisson familiaux sont délaissés
"Les preuves actuelles sont d'ores et déjà suffisantes pour encourager l'adoption de ces taxes, tout en surveillant les conséquences", ont écrit des médecins et experts de santé publique dans un éditorial publié par Jama. L'Association américaine des boissons a réagi en dénonçant des taxes qui "font du mal aux gens qui travaillent, aux petites entreprises et à leurs salariés". Selon le porte-parole William Dermody, l'industrie a créé des boissons moins ou pas sucrées, et des formats plus petits.
A Philadelphie, c'est surtout dans les grandes surfaces que la baisse s'est concentrée, parmi les grandes bouteilles "familiales" et les packs. Peut-être est-ce en partie dû au fait que des affichettes d'information sur la taxe l'aient rendue plus "visible" pour le client. Aucun effet de substitution avec de l'eau n'a été observé.
En France, une taxe inférieure aux taux américains
La taxe de Philadelphie s'est révélée plus dissuasive que dans la petite ville de Berkeley, où elle est plus basse (1 cent par once liquide). Les taxes les plus élevées sont à Boulder (2 cents) et à Seattle (1,75 cent).
La France a adopté une taxe soda en 2013, mais ses résultats étaient mitigés. Elle a donc été modifiée et depuis l'été dernier, elle varie selon le taux de sucre, tout en restant généralement inférieure aux taux américains. Elle est de l'ordre de 15 centimes d'euros (17 cents de dollars) par litre de Coca Cola, par exemple. D'autres marques ont préféré baisser la teneur en sucre.