Eaux minérales traitées: Nestlé a-t-il été autorisé à utiliser des filtres illégaux par l'exécutif?

Dans une enquête, Le Monde et Radio France affirment que l'exécutif a laissé Nestlé commercialiser des eaux non conformes à la réglementation et à risque pour la santé, malgré les recommandations d'interdiction des autorités sanitaires dès janvier 2023.
Début 2024, visé par de premières révélations, Nestlé Waters, filiale du géant suisse de l'agroalimentaire, avait reconnu avoir eu recours à des systèmes interdits de microfiltration pour maintenir la "sécurité alimentaire" de ses eaux minérales.
Le groupe, propriétaire en France des marques Vittel, Contrex et Hépar, puisées dans les Vosges, et Perrier dans le Gard, avait accepté en septembre 2024 de payer une amende de 2 millions d'euros pour échapper à un procès, après une plainte de l'association Foodwatch.
Un rapport accablant
Citant des "échanges de mails et de notes ministérielles", les deux médias accusent Matignon d'avoir dès 2023 "privilégié les intérêts de Nestlé au détriment des consommateurs" en accordant au groupe des dérogations sur l'usage de microfiltres.
Radio France et Le Monde font état d'une note du 20 janvier 2023 du directeur général de la santé (DGS), Jérôme Salomon, qui recommande de "suspendre immédiatement l'autorisation d'exploitation et de conditionnement de l'eau pour les sites Nestlé des Vosges" et d'étendre cette interdiction "au site d'embouteillage de Perrier (à Vergèze, dans le Gard)".
Jérôme Salomon citait un rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sur l'utilisation de microfiltres inférieurs à 0,8 micromètre, qui concluait que l'eau en sortie de puits n'était "pas microbiologiquement saine".
Cette note, qui aurait été transmise au cabinet de la Première ministre, Elisabeth Borne, recommandait de refuser à Nestlé toute dérogation, au risque d'un contentieux avec Bruxelles. Mais un mois plus tard, les cabinets de Matignon et de l'Élysée auraient autorisé la microfiltration, selon les deux médias.
Cette autorisation serait le fruit d'un actif lobbying, jusqu'à une rencontre entre des représentants de Nestlé et Alexis Kohler, secrétaire général de l'Élysée.
Une "opacité" pointée du doigt
Sollicité par BFMTV, l’Élysée indique ne pas avoir "vocation à intervenir sur les méthodes de micro-filtration de l’eau mais l’attention de ses équipes a été attirée sur ce sujet par l’entreprise Nestlé -comme c’est le cas d’autres entreprises sur d’autres sujets- et a renvoyé les intéressés vers les services de l’État compétents". De son côté, Emmanuel Macron a affirmé "ne pas être au courant de ces choses là". Mais "il n'y a de l'entente avec personne, il n'y a pas de connivence avec qui que ce soit", a-t-il assuré. Également sollicité, Nestlé n'a pas encore réagi à ces informations.
Les révélations de presse ont conduit le Sénat à lancer en novembre une commission d'enquête. Un premier rapport sénatorial d'octobre 2024 pointait déjà l'"opacité" des pouvoirs publics et des industriels dans ce dossier.
Foodwatch a de nouveau déposé une plainte cet automne contre les pratiques de Nestlé et du groupe Sources Alma (Cristaline, St-Yorre...). L'association de consommateurs CLCV a aussi porté plainte contre X.
"Le gouvernement français aurait cautionné une fraude d'ampleur mondiale. Foodwatch demande qu'un procès établisse les responsabilités et que des sanctions exemplaires tombent", a réagi l'ONG mardi.