Comment Marine Le Pen bouscule le processus de nomination chez ADP

Augustin de Romanet sera-t-il toujours à la tête d'Aéroports de Paris début 2025? C'est plus que probable. Après douze années passées à la tête d'ADP, son mandat de PDG devait pourtant prendre fin "au plus tard le 31 décembre", avait-il lui-même posé lors de la dernière assemblée générale du groupe.
Mais les turpitudes de la vie politique pourraient en décider autrement. Et contre toute attente, c'est Marine Le Pen qui tient en partie les clés de sa sortie. Explications.
Après de nombreux rebondissements qui ont vu sortir plusieurs profils assez prestigieux comme Jean-Baptiste Djebbari (ex-ministre des Transports) ou Marguerite Bérard (ex-numéro deux de BNP Paribas), trois personnalités restent aujourd’hui en lice pour prendre sa succession.
Le premier s'appelle Philippe Pascal, c'est l'actuel directeur général adjoint aux finances, stratégie et administration du groupe. Il travaille chez ADP depuis février 2013. Contrairement aux deux autres candidats, il n'est pas diplômé de l'École polytechnique, ce qui pourrait être un problème pour sa nomination. Certaines sources le disent déjà hors course.
Claude Laruelle est le second candidat. Cet X-Pont vient de quitter Veolia où il était directeur général adjoint en charge des finances, du digital et des achats après 18 années passées dans le groupe. Il est aujourd’hui administrateur de Vinci, qui opère également des aéroports. Un poste qui pourrait poser des problèmes de conflits d'intérêts.
Le dernier candidat n’est autre que le fils de Michel Rocard, Loïc Rocard, X-Pont lui aussi, qui a commencé sa carrière chez ADP en 1997 où il est resté 7 ans, qui a conseillé Manuel Valls à Matignon et qui est aujourd’hui président-directeur général de TechnicAtome.
Petit avantage dans cette course, il est depuis 2023 président de l'Association des anciens élèves et diplômés de l'École polytechnique.
• Pression politique
Alors que le dossier était piloté très directement par Matignon en concertation avec l’Elysée, il vient de redescendre d’un cran. Les candidats sont désormais entre les mains des cabinets ministériels à Bercy, aux Transports et chez Catherine Vautrin, aux Territoires.
Pourquoi? Parce que c’est le meilleur moyen de gagner du temps. Pourquoi gagner du temps alors qu’Augustin de Romanet est plutôt pressé de prendre le large ? Parce que le candidat qui sera retenu par l’exécutif devra passer entre les fourches caudines du Parlement pour être validé.
Or l’ambiance s’est tendue à Matignon depuis que Marine Le Pen met la pression sur le Premier ministre et menace l'exécutif de censure durant le budget. Pas besoin de rajouter les complications et un risque d'humiliation avec une audition "bordelisée" par La France insoumise et à l'issue soumise au bon vouloir du Rassemblement national, qui était contre la privatisation d’ADP en 2019.
Pour éviter le camouflet, Matignon est donc tenté de jouer les prolongations et d’attendre que le budget passe, ce qui repousserait le départ d’Augustin de Romanet de quelques semaines, à début 2025. Ce dernier n'est pas enclin à faire davantage.