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Quand le code informatique l'emporte sur la loi: un juge américain relaxe un hacker de cryptomonnaies

Tribunal de New York, aux Etats-Unis (image d'illustration)

Tribunal de New York, aux Etats-Unis (image d'illustration) - Axel Tschentscher/ Wikimédia

Le hacker du protocole Mango Markets a été relaxé de plusieurs chefs d'accusation par la justice américaine. Le juge a accordé une importance capitale au code informatique comme base de légalité.

Le juge fédéral Arun Subramanian a prononcé le 23 mai un verdict qui pourrait bien faire date dans l’histoire juridique des cryptomonnaies. En annulant plusieurs chefs d’inculpation à l’encontre d’Avraham Eisenberg, accusé d’avoir exploité le protocole de finance décentralisée Mango Markets, la justice américaine a, pour la première fois, accordé une importance capitale au fonctionnement du code informatique comme base de légalité dans l’univers des contrats intelligents. Un pas inédit vers la reconnaissance implicite du principe controversé du "code is law" (le code est la loi) .

Retour sur les faits

En octobre 2022, Eisenberg a utilisé une stratégie complexe sur le protocole Mango Markets, exploitant un système de collatéralisation algorithmique pour manipuler le prix du jeton MNGO, puis emprunter l’équivalent de 110 millions de dollars en cryptoactifs.

Il avait alors publiquement déclaré qu’il s’agissait d’une "stratégie de trading légale et profitable", affirmant que le protocole avait fonctionné exactement comme prévu.

Les autorités américaines —DOJ, CFTC et SEC— l’ont pourtant poursuivi pour fraude, manipulation de marché et vol électronique, considérant son opération comme une exploitation malveillante de vulnérabilités économiques.

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Une décision-clé du tribunal fédéral

Dans une opinion détaillée de 35 pages rendue publique le 23 mai, le juge Subramanian a rejeté plusieurs des accusations portées contre Eisenberg, en particulier celle relative à la manipulation de marché. Il a estimé que le gouvernement n’avait pas apporté la preuve d’une déclaration mensongère ou d’une intention frauduleuse suffisamment claire, condition essentielle pour établir une infraction pénale.

Selon le juge, le protocole Mango Markets étant entièrement automatisé, sans intervention humaine, aucune "promesse implicite" ou attente contractuelle ne peut être démontrée entre Eisenberg et les autres utilisateurs. En clair: le code informatique a exécuté les règles prévues, sans contradiction avec les attentes du marché.

Un précédent juridique pour la DeFi?

C’est cette interprétation qui ouvre un précédent potentiellement explosif pour la finance décentralisée (DeFi). La doctrine du "code is law", selon laquelle le code d’un smart contract prévaut sur l’interprétation humaine, se voit ici indirectement reconnue par un juge fédéral. Même si la décision ne constitue pas en elle-même une jurisprudence applicable à tous les tribunaux, elle pourrait influencer de futures affaires impliquant des attaques ou "exploits" de protocoles DeFi.

Mais si cette décision marque une victoire partielle pour la défense de la finance décentralisée, elle ne blanchit pas pour autant Avraham Eisenberg de toute responsabilité. Outre les chefs d’inculpation liés à la fraude électronique encore en cours d’examen, une autre procédure distincte reste ouverte à son encontre. Il s’agit d’accusations graves pour sollicitation sexuelle en ligne à l’encontre d’un mineur, déposées à la suite d’échanges sur une plateforme de messagerie privée.

Cette deuxième affaire, bien qu’indépendante des activités liées à Mango Markets, alourdit considérablement le profil judiciaire d’Eisenberg. Elle pourrait, à terme, peser bien plus lourd que les implications techniques de l’"exploit" DeFi lui-même.

William Helle