Enlèvement du fondateur de Ledger: pourquoi le monde des cryptos est de plus en plus ciblé par les criminels

David Balland a été libéré mercredi par ses ravisseurs. Le cofondateur de Ledger, la licorne française du monde des cryptomonnaies, avait été victime d'un enlèvement chez lui, à Vierzon, ce mardi matin. Dix personnes étaient en garde à vue jeudi soir, soupçonnés d'être impliqués dans le kidnapping et la séquestration, avec actes de torture, du cofondateur de cette société spécialisée dans la sécurisation de cryptoactifs et de sa compagne, également libérée depuis.
Une information judiciaire sera ouverte vendredi, notamment pour "enlèvement et séquestration en bande organisée", accompagnés d'"actes de torture ou de barbarie" ainsi qu'"extorsion avec arme", a indiqué la procureure de Paris Laure Beccuau, dont la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) est chargée des investigations.
Ces dix suspects, neuf hommes et une femme âgés de 20 à 40 ans, ont été notamment interpellés à Châteauroux (Indre) pour trois d'entre d'entre eux et à Étampes (Essonne) pour six.
La plupart étaient connus de la justice pour des faits de droit commun, mais pas pour liens avec la criminalité organisée, selon Laure Beccuau, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse à Paris. Interrogée sur l'éventualité d'un commanditaire encore non identifié, voire à l'étranger, la procureure de Paris a simplement répondu que les investigations se poursuivaient pour "identifier tous les acteurs".
Une source proche de l'enquête confirme à BFTMV que les 10 personnes en garde à vue ont des profils de "jobbers" comprendre des personnes recrutées ponctuellement pour des actes criminels.
Facilité de transmettre des fonds
Ce fait divers en rappelle d'autres : début janvier, un homme de 56 ans avait été enlevé dans l'Ain, et retrouvé dans le coffre d'une voiture près du Mans. Il avait exposé plusieurs fois sa fortune sur les réseaux, évoquant son activité d'influenceur cryptomonnaies installé à Dubaï. Avant cela, fin 2024, l'influenceur Hasheur (Owen Simonin), patron de Meria et youtubeur cryptos, avait fait l'objet d'une tentative de braquage à son domicile. Au même moment, l'épouse d'un investisseur et influenceur belge, Stéphane Winkel, avait été kidnappée.
Le monde de la crypto est particulièrement victime de violences, du fait notamment de la facilité avec laquelle on peut transférer de l'argent dans le cadre d'une demande de rançon.
"Si on réclamait du cash, il serait difficile de contacter sa banque, d’avoir un retour. Faire un transfert de cryptos est facile, pas cher et rapide", explique Stéphane Ifrah, senior manager chez Coinhouse.
Les règles européennes devraient néanmoins rapidement entraver ce genre de tentatives: la European Banking Authority (EBA), régulateur bancaire du continent, a publié de nouvelles instructions relatives à la "travel rule" (les transferts d'argent). Depuis le 30 décembre 2024, il est nécessaire de fournir des informations sur la destination des fonds, au-delà d'un certain montant.
Ledger, une cible exposée
Ledger était en outre beaucoup plus exposé que d'autres acteurs du secteur. Le fabricant de portefeuilles physiques ne fait pas mystère de ses lieux de production, concentrés à Vierzon. David Balland n'était autre que le directeur de la production sur place.
"Les ravisseurs se sont donc dit que cette personne devait avoir un portefeuille numérique", observe Stéphane Ifrah.
Inversement, Coinhouse, comme la plupart des grands acteurs des cryptos, ne communique pas sur l'emplacement de ses bureaux.
Ledger a par ailleurs connu sa réussite en vendant des "wallets", des portefeuilles physiques qu'il est possible de déverouiller en inscrivant un mot de passe connu de l'utilisateur seul. Une technologie qui expose à des violences directes.
La licorne française avait par ailleurs connu des fuites de données en 2020, 20 plaignants viennent de l'attaquer en justice, trois mois après une amende de 750.000 euros infligée par la Cnil.